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Températures : problématique des données anciennes en Belgique

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Températures : problématique des données anciennes en Belgique

 

Ces dernières années, en raison d’un nombre élevé de records, la problématique des anciennes données a de nouveau été abordée plus d’une fois. Essayons de faire le point pour la Belgique.

 

 

Bruxelles, puis toute la Belgique

 

Si certaines mesures ont déjà été accomplies bien avant la naissance de la Belgique, les premières mesures régulières et scientifiques de la température ont été faites à Bruxelles en 1833, à un endroit qui, à l’époque, était situé en bordure de la ville, en l’occurrence le site de l’actuel « Botanique » (désormais complètement englobé dans le tissu urbain). Ces mesures ont été entamées, à l’époque, sous l’égide de l’Observatoire Royal de Bruxelles, dont la partie météorologique allait se séparer de la partie astronomique en 1913 et former l’actuel Institut Royal Météorologique (IRM).

 

Ces mesures ont été accomplies à l’ombre, certes à l’abri du rayonnement solaire direct, mais très mal protégé du rayonnement indirect et réfléchi, dont on connaissait certes l’existence, mais dont on sous-estimait largement l’incidence.

 

Les métadonnées nous apprennent ce qui suit : « Le thermomètre qui servait aux observations a toujours été exposé du côté du nord, à l’ombre, et autant que possible, à l’abri des réverbérations des murs. Le point zéro était vérifié annuellement et quelques fois à des intervalles plus rapprochés. Les résultats ont été corrigés pour le déplacement du zéro, et ont subi les autres petites corrections dont ils étaient passibles. Le thermomètre était à 3,3 mètres au-dessus du sol et à la distance de 0,15 mètres de la fenêtre d’une chambre où l’on ne fait jamais de feu. » A. Quételet.

 

En plus de Bruxelles, un petit réseau de stations d’observation s’est rapidement développé en Belgique, tout comme d’autres pays, mais on s’est vite heurté au problème de trouver l’endroit adéquat. On ne disposait pas toujours d’une maison (ou autre bâtiment) avec un mur exactement exposé au nord et assez haut pour que le thermomètre soit toujours à l’ombre, à n’importe quelle saison et à n’importe quelle heure du jour. Cela limitait fortement le développement de ces réseaux d’observation.

 

Pour pallier cet inconvénient, l’idée est venue, vers le milieu du 19e siècle, de placer le thermomètre sous abri, ce qui permettrait de mesurer la température (presque) n’importe où.

 

Dès le départ, on s’est rendu compte d’une double problématique :

 

-          La protection du thermomètre de tout rayonnement, ce qui risquait de trop le confiner.

-          La bonne circulation de l’air dans l’abri, ce qui risquait de l’exposer à une part restante du rayonnement

 

Dans une première phase, c’est la deuxième solution qui a été choisie (sauf en Angleterre), ce qui fait que la plupart des premiers abris ont été ouverts. Ces abris ont été installés à Paris-Montsouris en 1872 et à Bruxelles en 1878. Nous avons donc à Bruxelles une série de 1833 à 1877 qui est constituée de mesures de température sans abri.

 

Dès l’installation de l’abri à Bruxelles, un réseau dense de points de mesure s’est constitué, grâce auquel nous avons la chance d’avoir de nombreuses mesures effectuées pendant le terrible décembre 1879. Ce réseau allait encore s’amplifier en 1881 grâce à A. Lancaster, directeur de l’Observatoire à l’époque.

 

Dans un premier temps, ce sont surtout des abris ouverts qui ont été installés, mais en raison des vols répétitifs d’instruments météorologiques, surtout durant la nuit (ce n’est pas une blague), un certain nombre de stations ont opté pour des abris fermés, qu’il était possible de verrouiller.

 

Vers 1910, des abris plus solides et moins chers ont été fabriqués, composés d’une double paroi en zinc, séparée par une couche d’air. Cette couche d’air, censée isoler l’abri, n’a cependant pas été très efficace et c’est la surchauffe du zinc, pendant les journées très ensoleillées, qui a prévalu. Résultat des courses, certaines températures maximales ont été surestimées de près de 6°C !

 

Malheureusement, on a mis dix ans pour s’en rendre compte. Les 40,0°C du 11/07/1921 et les 39,5°C du 28/07/1911, mesurés à Bruxelles Saint-Josse sont de tristes exemples d’utilisation de cet abri.

 

Par chance, certaines stations comme Denée-Maredsous et surtout Uccle ont refusé d’utiliser cet abri par peur de rupture d’homogénéité de la série. Ailleurs dans le pays, là où ce mauvais type d’abri a été installé, on a décidé de procéder à son remplacement dès 1920, mais parfois ces abris ont été enlevés beaucoup plus tard. C’est ainsi que l’on peut suspecter que les 37,7°C du 24/05/1922 et les 38,8°C du 22/07/1925, mesurés à Rochefort, l’aient été avec ce type d’abri.

 

On n’est tout à fait certain de l’élimination générale de ces abris qu’à partir du début de la série 1931-1960. Il est cependant probable que les records de chaleur de septembre 1929 aient été mesurés partout sous de bonnes conditions.

 

Une fois les abris en zinc enlevés, on a opté pour des abris fermés car les études, entre autres réalisées par L. Poncelet, ont révélé que les mesures sous abri fermé, pour autant que cet abri soit bien conçu et bien ventilé, étaient bien plus correctes que celles de l’abri ouvert.

 

C’est ici que commence la problématique de la station d’Uccle. En effet, après avoir échappé au pire en 1910, en conservant l’ancien abri ouvert, la station d’Uccle a décidé une nouvelle fois de garder son ancien abri, de peur de créer une autre rupture dans la série. C’est la raison pour laquelle Uccle est restée la seule station à utiliser un abri ouvert et ce, jusqu’en 1968.

 

Personne n’a eu l’idée, dans les années 20 et 30, de procéder à des mesures parallèles avec les deux abris pour en déterminer réellement l’exactitude. Cela n’a été fait qu’à partir de 1968. Grâce à cela cependant, nous disposons de correctifs pour reconstituer, tant bien que mal, les anciennes séries. Nous y reviendrons.

 

Pour être certain, cependant, d’avoir des mesures directes (donc sans correction a posteriori) qui soient raisonnablement homogènes, on peut remonter jusqu’à 1930 pour toutes les stations du réseau belge (en faisant toutefois attention aux éventuels déplacements de station) et jusqu’à 1968 pour Uccle.

 

Quelques observations plus anciennes sont récupérables à Uccle grâce à l’installation de la station « synoptique » en 1949 (dans le même parc, non loin de la climatologie), où l’abri recommandé (donc fermé) était déjà utilisé. Malheureusement, les données synoptiques n’avaient au départ aucun but climatologique, mais servaient à l’élaboration des cartes de prévisions, ce qui fait que ces données n’ont pas été mesurées de façon régulière, d’autant plus que le « tandem » Uccle-Zaventem assurait la communication d’au moins une mesure (sur les deux) pour nourrir les calculs destinés aux prévisions. Quelques données nous sont cependant encore parvenue, comme les 19,4°C du 29/02/1960 (alors que l’abri ouvert mesurait 20,0°C).

 

 

Comment corriger ces anciennes données ?

 

Pour reconstituer les anciennes moyennes, on a décidé d’homogénéiser en utilisant la moyenne des différences entre ces deux abris (période des mesures en parallèle) en la pondérant en fonction des saisons. Cela donne de bons résultats, les erreurs plus grandes étant compensées par les erreurs plus petites. Pour les températures au jour le jour et la correction des anciens records, c’est plus délicat.

 

Quant aux températures mesurées sans abri, sur la façade nord d’un bâtiment, la différence au niveau des moyennes est pratiquement la même que la différence entre l’abri ouvert et l’abri fermé. C’est ce qui a permis la reconstitution de la série d’Uccle-Bruxelles avec une précision suffisante pour y faire des études sur le réchauffement climatique. Mais c’est déjà moins vrai pour les moyennes des maxima et des minima, et encore moins vrai pour la reconstitution des valeurs au jour le jour.

 

 

L’abri ouvert

 

Les thermomètres installés dans un abri ouvert subissent avant tout le rayonnement infrarouge émis par le sol, la réflexion des nuages et, dans une moindre mesure, le rayonnement indirect du soleil. Il s’ensuit que les écarts les plus grands se font par les chaudes journées ensoleillées de l’été, quand le sol émet un maximum d’infrarouge. Si le ciel est serein ou peu nuageux, la surestimation peut atteindre 1,8 à 2,0°C. Si en plus des nuages réfléchissants (cumulus mais aussi certains altocumulus voire cirrostratus) sont présents, mais à un endroit où ils ne masquent pas le soleil, l’écart peut même dépasser les 2,0°C. Par temps couvert par contre, la différence n’est que de 0,5°C environ.

 

Pour reconstituer un extrême et déterminer si c’est un record ou non, il faudrait donc connaître avec précision quelles étaient les conditions météorologiques au moment du maximum, ce qui n’est possible que dans un nombre limité de cas.

 

Vers la fin mars ou la fin septembre, les différences entre abris ont les mêmes origines, mais on peut les réduire d’un facteur de 2. Ce qui signifie qu’aux saisons intermédiaires, l’erreur dépasse rarement 1,0°C. En hiver par contre, l’écart entre les deux abris est minime, de même que pour les minima et, de façon générale, pour les températures nocturnes.

 

 

Les mesures sans abri

 

Une thèse de doctorat, écrite par Michel Beaurepaire et relatant la reconstitution des anciennes méthodes de mesure et à leur application en parallèle à celles effectuées selon les méthodes actuelles (expérience menée à Trappes, près de Paris), nous permet d’affirmer ce qui suit :

 

La surestimation des mesures provient essentiellement du rayonnement diffus et réfléchi des nuages et, dans une moindre mesure, du rayonnement infrarouge du sol et du rayonnement indirect du sol. Ces deux derniers éléments sont de moindre importance en raison de la hauteur plus grande du thermomètre (3,30 mètres au-dessus du sol au lieu de 1,50) et de l’ombre projetée par le bâtiment, qui protège quelque peu du rayonnement indirect du soleil.

 

Il s’ensuit que les mesures par grand beau temps chaud, contrairement à celles réalisées sous abri ouvert, ne présentent que peu de différences par rapport aux mesures correctes, généralement inférieures à 1°C. Par temps tout à fait couvert, les différences sont très petites aussi, mais elles peuvent devenir très grandes, supérieure à 2°C, sous certains types de nuages quand la réverbération est grande. Ici aussi, pour pouvoir reconstituer d’anciens records, il faudrait connaître les conditions météorologiques exactes au moment du maximum, ce qui n’est possible qu’en un nombre limité de cas. En outre, le fait que le thermomètre soit à mercure ou d’un autre type peut aussi avoir son influence ici, d’où l’intérêt d’avoir des métadonnées précises et complètes.

 

Pour les températures minimales, ces mesures sans abri donnent généralement aussi des températures (un peu) trop élevées. Ceci est dû, cette fois-ci, exclusivement à la plus grande hauteur du thermomètre au-dessus du sol, 3,30 mètres au lieu de 1,50 mètres.

 

 

Par temps de grand vent, les températures s’égalisent et l’erreur diminue, que ce soit sous abri ouvert ou sans abri, de jour ou de nuit, en été ou en hiver. On peut en déduire que pour déterminer les records en Belgique (tout comme dans d’autres pays), il vaut mieux s’en tenir aux séries existantes sous abri fermé (en France aussi depuis 1930, sauf Paris-Montsouris depuis 1948), quitte à renoncer à de longues séries disponibles, mais dont une partie a dû être (tant bien que mal) homogénéisée après coup. La remarque vaut notamment pour Uccle, où il est frustrant de ne disposer que d’une série d’une petite cinquantaine d’années (depuis 1968) alors que des mesures y sont faites depuis 1886. Une évaluation (à un gros 0,5°C près), par contre, reste possible si l’on connaît plus ou moins les conditions météorologique du jour susceptible d’avoir battu un record.

 

La plus longues série disponible et exploitable, au niveau de la température, est celle de Rochefort (fiable depuis 1930, avec juste une petite interruption à la fin de la guerre). Une série quasi-homogène peut être reconstituée pour les Hautes-Fagnes en réunissant les mesures des stations de la Baraque Michel, de Mont-Rigi et du Parc nature de Botrange (station climatiquement quasi-similaires). Là aussi, on peut remonter jusqu’à 1930 environ, et peut-être avant si l’on retrouve les métadonnées permettant de savoir si un l’abri en zinc a été installé ou non à cette station.

Modifié par cumulonimbus

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