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cumulonimbus

Épisode hivernal tardif et remarquable

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ÉPISODE HIVERNAL DU 31 MARS AU 3 AVRIL 2022

 

Après un mois de mars particulièrement printanier, un épisode hivernal majeur se dessine le dernier jour du mois avant de nous frapper de plein fouet les premiers jours d’avril.

 

L’influence anticyclonique qui prédominait tout au long du mois de mars commence à s’estomper le 28, tandis qu’une perturbation quasi-stationnaire s’organise dès le 29 sur une ligne effleurant le sud de notre pays. En même temps, une autre perturbation descend du nord et finit par prendre la Belgique en sandwich.

 

La première perturbation s’éloigne par la suite vers le sud tandis que la seconde, celle se trouvant encore au nord de notre pays, descend aussi vers le sud tout en continuant à onduler. Le 31, l’une des ondulations se trouvant à l’est de nos contrées prend de l’amplitude et forme un véritable retour d’est.

 

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Source : KNMI

 

Analysons à présent ces journées en détail.

 

31 mars 2022

 

Le matin, le retour d’est se trouve encore à l’est de nos régions et le front froid parvient encore à progresser. Il aborde notre littoral en cours de nuit, puis pénètre dans le pays avant de s’arrêter sur le sud-est du pays et d’amorcer un mouvement de retour, sous forme de front chaud. Mais ce mouvement ne réussira pas vraiment et c’est, en fin de compte, la partie occluse qui parviendra à traverser le pays et ce, durant la nuit du 31 mars au 1er avril.

 

Ci-dessous, la carte de 18h T.U. où l’on voit que toute la partie ouverte du système frontal se trouve à l’arrêt.

 

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Source : KNMI.

 

Et à présent, la partie occluse du front qui se prépare à aborder le pays (carte de 00h T.U.).

 

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Source : KNMI

 

À ce stade, seules les Hautes-Fagnes connaissent une véritable entrée de l’hiver, pendant que le littoral vit encore sous de typiques giboulées de mars. Entre les deux, le ciel est très gris.

 

Voyons cela de plus près.

 

La côte, en effet, se trouve entièrement dans l’air post-frontal, avec un ciel de traîne d’une grande beauté, digne des traînes irlandaises et écossaises. Les cumulus et cumulonimbus ne sont accompagnés de presque aucun autre nuage, si bien qu’il y a alternance de ciels bleus et de ciels menaçants, avec quelques bonnes averses à la clé, parfois accompagnées de grêle.

 

La photo ci-dessous montre que les cumulonimbus sont parfois visibles de loin dans un ciel particulièrement limpide.

 

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Webcam MB – Le Coq – 31 mars 2022 à 12h45

 

Ce type de temps se propage l’après-midi jusqu’à la région de Gand et se retrouve, en fin de journée, également sur le centre et le centre-sud du pays. Mais avant, dans ces régions, le ciel était gris, très nuageux à couvert avec des stratocumulus se mouvant sous un altostratus.

 

Sur les plus hauts plateaux, la journée est déjà bien hivernale, neigeuse avec fractus et parfois du brouillard lié aux nuages bas. Dans les Hautes-Fagnes, la neige tient au sol avec des accumulations atteignant temporairement presque 10 cm en milieu de matinée. Mais dès qu’on quitte le plateau, la neige perd rapidement en qualité avec des enneigements incomplets et temporaires, comme par exemple à Wirtzfeld et à Sourbrodt. Le vrai hiver reste à venir.

 

 

1eravril 2022

 

Dès la soirée de la veille au littoral, sous un vent fort, la pluie se transforme en neige avec des températures qui se rapprochent de 0°C. Mais là, ces températures remontent plus tard dans la nuit et la neige se retransforme en pluie. À Anvers par contre, la pluie qui se transforme en neige aux petites heures du matin forme aussitôt une couche de 1 cm au sol. À Bruxelles (Uccle), cette couche atteint 3 cm à 8 heures et montera jusqu’à 4-5 cm en milieu de matinée. L’aéroport de Bruxelles-National, à ce moment, relève 2 cm. Toutes les communes bruxelloises présentent un aspect blanc en matinée et, dans les parties plus hautes de la ville, la couverture neigeuse reste complète jusqu’en fin de journée.

 

Il faut savoir qu’une grande partie de la Basse et Moyenne Belgique est enneigée en ce 1er avril. À 9 heures du matin, la couverture neigeuse est complète, entre autres, du côté de Mouscron, Roulers, Gand, Wetteren, Ninove, Waterloo, Braine-l’Alleud et Nivelles. Parmi les mesures officielles (8 heures), nous avons aussi 3 cm à Passendaele, 1 cm à Anvers et 1 cm à Koersel.  

 

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Tout un symbole ! Nivelles le matin, crédit photo Babs Oux (Les fanas de neige en Belgique)

 

Du côté de Namur, il faut attendre un peu, avec un enneigement qui se met en place que plus tard en matinée. À Cerfontaine, c’est jusqu’à la mi-journée qu’il faut attendre, pour un enneigement bref et peu significatif, tandis que les alentours de Liège ne reçoivent que peu ou pas de neige. C’est d’ailleurs vrai aussi pour le massif ardennais : Saint-Hubert n’a que des traces d’enneigement au sol. À Ciney, il est question de « quelques flocons qui voltigent parfois mais fondent en touchant le sol ».

 

Dans les Hautes-Fagnes, la neige tombée la veille se maintient au sol.      

 

Notons que pour la Basse et Moyenne Belgique, les couvertures neigeuses complètes sont rares en avril, et le fait que cela se produise pendant deux années consécutives, 2021 et 2022, rend la chose encore plus remarquable. À Uccle, une couverture neigeuse complète en avril a été observée en 1903 (2 cm le 17 avril), en 1905 (3 cm le 5 avril), en 1913 (10 cm le 12 avril), en 1935 (2, 3 et 4 cm les 3, 5 et 6 avril), en 1938 (2 cm le 30 avril), en 1982 (1 cm le 13), en 2021 (7 et 4 cm les 6 et 7 avril) et en 2022 (3 cm le 1er avril (série d’observations : 1889-2022).  

 

Le ciel très nuageux à couvert, sous un nimbostratus neigeux suivi de stratocumulus, parfois doublés de cumulus et se situant sous une nappe de cirrostratus/altostratus, est responsable de températures maximales très basses pour un mois d’avril. À Uccle, ce maximum est de 2,4°C, et il faut remonter à 1966 pour trouver plus bas. Cette année-là, le thermomètre ne dépassa guère 1°C le 14 avril.

 

À Bierset, le maximum reste coincé à 0,8°C, un dixième de degré plus bas que les 0,9°C le 11 avril 1986. À Florennes (279 mètres), on est déjà dans les gelées permanentes avec un maximum de –0,2°C. Dans les Hautes-Fagnes, le maximum s’établit à –2,0°C (record : –4,0°C le 11 avril 1986). En plaine, on remarquera encore le maximum de 2,2°C à Genk et de 2,4°C à Kleine Brogel.

 

La région côtière connaît un temps moins gris, avec un nimbostratus pluvieux qui cède rapidement la place à un voile d’altostratus doublé de cumulus, altostratus qui s’effiloche à son tour avec de belles éclaircies qui s’en suivent, au milieu de cumulus plus ou moins développés. Là, les températures maximales s’établissent à 6°C, tandis qu’elles atteignent encore 5°C à Beitem et Passendaele (avec fonte complète de la neige).

 

 

2 avril 2022

 

Notre pays se trouve à présent soumis à des courants de nord-nord-est acheminant de l’air froid et faiblement instable d’origine arctique. Dans un premier temps, le ciel est encore voilé de cirrostratus / altostratus (sauf sur l’ouest), puis des éclaircies se développent avec cumulus et petits cumulonimbus donnant des flocons de neige et bien souvent des virgas. En dehors, on observe aussi une forte tendance à l’étalement, avec diminution progressive des éclaircies.

 

Sur l’est du pays, le ciel est d’abord couvert avec chutes de neige. Bien des régions qui ont été épargnées, ou presque, par la neige la veille sont à présent blanches. C’est notamment le cas de Beausaint, de Saint-Hubert mais aussi de Liers, près de Liège. Dans les Hautes-Fagnes, la couche atteint désormais 11 cm à Mont-Rigi. À Soiron (hauteurs de Pépinster-Verviers), on signale 7 cm à 260 mètres d’altitude. À Weisser Stein (frontière belgo-allemande), on parle même de 18 cm.

 

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Hockai, crédit photo Samuël Nottebaert (Les fanas de neige en Belgique)

 

Le côté ardennais, par contre, reste le parent pauvre. Même si la situation neigeuse est bien meilleure que la veille, ce n’est toujours pas ça. À Beausaint (376 m), par exemple, la mince couche de neige présente le matin fond dès midi et disparaît en début d’après-midi.

 

Les températures maximales, grâce aux éclaircies en de nombreux endroits, sont moins froides que la veille, mais restent bien en dessous des normes saisonnières, avec 5 à 7°C en plaine et 0 à –2°C sur les hauteurs. Mont-Rigi ne dépasse pas –1,6°C, Saint-Hubert ne dépasse pas –0,4°C. La limite des gelées permanentes se situe vers les 500 mètres d’altitude.

 

Le soir et la nuit, le ciel se dégage en toutes régions et les températures dégringolent.                                              

 

 

3 avril 2022

 

Il fait froid ! Au petit matin, certaines températures sont inférieures à –5°C même en Basse Belgique. C’est le cas, notamment, à Retie (–5,3°C) et à Kleine Brogel (–5,2°C). Genk, avec –4,6°C, n’en est pas loin. Uccle, avec –2,9°C, connaît aussi une valeur inhabituellement froide pour un mois d’avril, mais pas un record (–4,7°C le 12 avril 1986). En Haute Belgique, ce sont les régions enneigées qui connaissent les températures les plus basses. Mont-Rigi descend à –7,2°C ; Elsenborn à –7,9°C. Neu-Hattlich (à quelques 3 kilomètres de la frontière allemande) est la station la plus froide du réseau de l’IRM avec –9,3°C. À Murringen (un peu à l’est de Bullange), la station du club météo belge enregistre –13,3°C.

 

Ces températures sont remarquables, mais ce ne sont pas des records. Le 12 avril 1986, il a fait plus froid encore, avec –13,8°C à Neu Hattlich (donc 4,5°C plus froid qu’en 2022), mais aussi –12,4°C à Hockai et –12,1°C au Parc Naturel de Botrange. Cette année-là, c’est surtout la côte qui connaissait la neige, avec 7 cm à Middelkerke à la mi-journée (mais 1 cm seulement à 8h).

 

Le temps : en ce 3 avril 2022, le ciel est d’abord serein ou peu nuageux, puis des cumulus se forment et tendent à s’étaler, ce qui donne un ciel nettement plus nuageux. Ici et là, des développements plus importants donnent quelques gouttes de pluie. Parfois, il s’agit aussi de virga.

 

Les températures maximales continuent leur lente remontée, avec 7 à 8°C (localement 9 à 10°C) en Basse et Moyenne Belgique, et 2 à 3°C en Haute Belgique. Ces températures positives, associées à un assez bon ensoleillement sur l’est du pays, font fondre la neige presque partout. À Sourbrodt, l’enneigement reste intact jusqu’à la mi-journée, puis la neige fond rapidement en cours d’après-midi, pour ne laisser que des traces en soirée.

 

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Webcam MB – Sourbrodt – 3 avril 2022 à 18h

 

Du côté de Mont-Rigi, sur les plus hauts plateaux donc, la neige résiste mieux, mais perd beaucoup de son épaisseur.

 

Malgré une nouvelle nuit froide, cependant, l’épisode hivernal est en passe de se terminer, et le 4 avril en journée, la couche de neige devient incomplète en journée à Mont-Rigi et, après quelques flocons temporaires en après-midi, fondra avec l’arrivée de la pluie et de l’air plus doux.

 

 

Conclusion

 

Même sans battre des records, l’épisode hivernal tardif que nous venons de connaître peut être considéré comme remarquable. Il l’est d’autant plus que neige et froid se sont également invités en avril l’année dernière.

 

Cela s’inscrit dans une tendance générale que nous connaissons depuis une vingtaine d’années déjà : les longues périodes de froid deviennent certes plus rares, mais pas les événements ponctuels. Faisons un petit récapitulatif des coups de froid et/ou chutes de neige remarquables des 20 dernières années, en saison et hors saison.

 

Mars 2005 : d’abord très froid, le 1, avec neige sur les Cantons de l’Est. On atteint –21,0°C à Neidingen (Saint-Vith) et –18,5°C à Elsenborn, avec 53 cm de neige. Puis froid extrême au littoral avec, le 4, un minimum de –11,7°C à Middelkerke et de –12,2°C à Knokke-Zwin.

 

Mars 2008 : chutes de neige tardives et intenses, avec 12 cm à Uccle le 25. Le lendemain, on atteint 47 cm à Mont-Rigi et 41 cm à Elsenborn.

 

Janvier 2009 : froid exceptionnel sur le Brabant Wallon et le nord de la Province de Namur, avec –21,9°C à Ernage et –23,2°C à Mélin.

 

Décembre 2010 : froid exceptionnel en début de mois au littoral (–13,6°C à Middelkerke le 3) et mois remarquable pour sa quantité de neige. Notamment à Noël et pendant la période qui précède immédiatement, les couches sont particulièrement épaisses avec 32 cm à Bierset et 74 cm à Mont-Rigi. On note de grosses congères, notamment en Entre-Sambre-et-Meuse.

 

Mars 2013 : neige avec fortes congères le 12 mars sur une bonne partie du pays, températures hors normes le 13 avec –10,1°C à Uccle ; –12,6°C à Zaventem et –17,1°C à Ciney. Enneigement inhabituel aussi le 24.

 

Mai 2013 : enneigement extroaordinairement tardif, le 24, sur les Hautes-Fagnes avec 3 cm.

 

Octobre 2015 : grand froid en Haute Belgique avec des maxima qui peinent à dépasser 0°C sur les Hautes-Fagnes les 14 et 15. On observe déjà une fine couche de neige en matinée, le 14, à Mont-Rigi, Wirtzfeld et Elsenborn. Le 16, un enneigement temporaire est aussi signalé à Saint-Hubert, Bertrix, Fraiture et Libin.

 

Avril 2016 : enneigement complet dès 300-350 mètres d’altitude le 25. Quelques jours plus tard, on atteint une vingtaine de centimètres dans les Hautes-Fagnes.

 

Mars 2018 : les gelées permanentes les plus tardives en Basse et Moyenne Belgique, les 17 et 18.

 

Avril 2018 : pas en Belgique mais pas loin, des couches de neige de 3 cm en Normandie dès 100-150 mètres le 30 (c’est-à-dire à la veille de mai).

 

Octobre 2018 : chutes de neige très précoces en Entre-Sambre-et-Meuse le 30, avec 6 cm à Presgaux (Couvin).

 

Mai 2019 : fortes chutes de neige dans l’Entre-Sambre-et-Meuse le 4, avec neige au sol dès 200 mètres d’altitude et 8 cm à Presgaux (Couvin). Du jamais vu à pareille saison.

 

Avril 2021 : 7 cm de neige à Uccle le 6 ; 4 cm le 7. Jusqu’à 27 cm à Xhoffraix le 7.

 

En d’autres termes, le réchauffement climatique ne nous protège pas encore des événements hivernaux extrêmes ponctuels, qui ne sont sûrement pas étrangers aux situations de blocage récurrentes et à leur corollaire : des anticyclones persistants ou alors des gouttes froides peu mobiles, et parfois intenses, avec des surprises neigeuses hors saison à la clé.

 

 

 

Modifié par cumulonimbus

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Merci beaucoup pour cet article Cumulonimbus. Très instructif, comme toujours.

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