Chaleur en Belgique

[cumulonimbus 0]

Bien souvent on entend les Belges se plaindre dès qu'il fait chaud. Une des phrases qui revient régulièrement : "En Provence (ou en Italie, Espagne, Grèce...), il fait bien plus chaud qu'ici et pourtant on le supporte mieux".

À quoi c'est dû ?

L'une des causes est liée à des facteurs humains. La pollution, notamment due à l'ozone, ne concerne pas que les grandes villes en Belgique, mais une grande partie du territoire. Il faut savoir que la Belgique est un pays très densément peuplé, avec un réseau routier très dense aussi et de nombreuses industries. La pollution à l'ozone a comme propriété de rendre la chaleur plus accablante pour certaines personnes.

Mais il existe aussi un tas de facteurs climatiques naturels qui font que les températures élevées sont inconfortables chez nous. En fait, la Belgique est très mal placée pour la chaleur, pas du point de vue fréquence, mais du point de vue qualité.

On peut dire, en été, que l'air chaud peut nous arriver du sud-ouest, du sud, du sud-est, de l'est ou du nord-est. En outre, la chaleur peut être présente également dans de l'air stagnant (marais barométrique, centre d'une zone de haute pression ou de basse pression). J'analyserai ces situations une à une ci-dessous.

Les courants de sud-ouest (ou de sud, voire sud-est) maritimes

Il s'agit de brefs épisodes chauds caractéristiques des été pourris. Il s'agit d'une remontée temporaire vers le nord des perturbations atlantiques à la suite d'une ondulation dans le jet stream. Il se creuse alors une dépression au sud-ouest de l'Angleterre, sur la Manche ou dans le Golfe de Gascogne qui y séjourne un jour ou deux avant de poursuivre sa route vers la Mer du Nord.

Nous nous retrouvons alors dans de l'air humide et chaud se trouvant à l'avant de la perturbation. Il ne fait que 27 à 28°C mais avec l'humidité, on a une impression de touffeur ("il n'y a pas d'air" dira-t-on, ou alors, en bon bruxellois : "il fait douff"). Le ciel est souvent pâle, blanchâtre en raison d'une légère brume, mais aussi de cirrus, cirrostratus ou altocumulus translucidus. Des cumulus se forment aussi, mais leur développement reste limité en raison du manque d'instabilité. Les orages qui éclatent par la suite sont pratiquement toujours liés au passage d'un front froid qui met fin à l'épisode chaud avec le retour d'un temps pluvieux et frais en provenance d'ouest.

Les courants de sud "directs"

Contrairement aux courants précédemment décrits, nous avons cette fois affaire à un temps très sec, mais qui n'est pas moins insupportable. Mais l'origine du mal-être est tout autre.

Il s'agit ici d'air méditerranéen qui remonte jusque chez nous, mais qui subit une effet de foehn en passant au-dessus des Alpes, des montagnes du sud de la France ou des Pyrénées. Si l'effet direct du foehn n'est plus perceptible chez nous, l'effet indirect l'est encore. Cet air continue à produire des ondes en altitude (visibles grâces aux altocumulus lenticularis) qui se répercutent dans le mouvement de l'air dans les plus basses couches. Pour des raisons qui ne sont pas encore tout à fait connues, ces effets d'onde sont responsables de maux de tête, de nervosité et de troubles divers chez les personnes sensibles. En plus, le réchauffement extrême lié au foehn est en grande partie entretenu par les terres surchauffées en été en France, ce qui fait que les températures sont aussi, objectivement, très élevées (souvent largement au-dessus de 30°C).

En outre, les basses pressions à l'ouest ne sont souvent pas loin et l'ambiance pré-orageuse (l'orage qu'on sent mais qui tarde à venir) ajoute à l'inconfort.

Les courants de sud-est avec air tropical continental

Ici, c'est aussi la température "objectivement" très élevée qui fait souffrir. Mais il faut aussi connaître l'historique de ce qui a précédé l'arrivée d'air chaud. Si cette dernière se produit au coeur d'un grand été (comme 1976, 1994, 1995 ou 2003), l'air sera sec et extrêmement chaud. Si cette remontée se produit au milieu d'un été pourri (en raison de la formation temporaire d'un anticyclone sur l'Europe Centrale), les températures seront un petit peu moins élevées mais il subsistera encore pas mal d'humidité sur le continent. C'est la situation typique des orages de chaleur qui précèdent l'arrivée des orages du front froid mettant fin à la chaleur.

Les courants d'est et de nord-est continentaux

Il s'agit de la chaleur la plus supportable dans nos contrées, avec un petit vent et des températures qui restent généralement (un peu) en-dessous des 30°C. Toutefois, l'historique de ce qui a précédé la chaleur est important ici aussi. Si le continent est encore humide en raison d'un temps fort pluvieux au cours des semaines précédentes, le temps sera malgré tout lourd avec formation d'orages locaux. Il faut savoir qu'il peut déjà faire lourd par 22 ou 23°C s'il fait humide et qu'il y a des orages en formation.

La chaleur stagnante

Il s'agit d'une chaleur qui est arrivée chez nous dans le cadre d'une des situations décrites ci-dessus, mais qui n'est pas évacuée par un front froid structuré. Cela arrive lorsque les centres d'actions sont arrêtés dans leur progression vers l'ouest en raison d'un blocage en altitude (blocages oméga ou autres) et qu'un noyau anticyclonique ou dépressionnaire reste bloqué près de chez nous.

Si c'est un anticyclone, il n'y aura généralement pas d'orages. Mais la stagnation de l'air permet progressivement des infiltrations maritimes (parfois de faibles vents de nord-ouest). Même si la température baisse de 2 ou 3°C, il fera étouffant en raison de l'humidité et le ciel, à nouveau, peut devenir pâle, voire blanchâtre.

Si c'est un marais barométrique ou le centre d'une dépression, les infiltrations maritimes se feront aussi, mais dans un contexte instable avec des orages. Aucun de ces orages ne donnera toutefois un raffraîchissement durable puisqu'on reste dans la même masse d'air dont la chaleur s'auto-entretient en raison de la force du soleil. En outre, les précipitations des orages humidifient le sol, ce qui rend l'air encore plus humide. Là aussi, l'électricité présente dans l'air, associée à la pression (relativement) basse augmentent encore l'inconfort.

Conclusion

Comme vous voyez, la chaleur "légère et saine" est assez rare chez nous. Ces derniers jours, nous avons eu la succession de courants continentaux, puis tropicaux, puis tropicaux maritimes. Dans le premier cas, l'air a été relativement sec et les températures assez modérées (autour de 29°C) mais des taux de pollution et d'ozone assez élevés. Hier, l'humidité et le dépassement des 30°C se sont ajoutés à l'inconfort.

Pour échapper à cela, il reste toujours la côte belge, pour autant que la brise de mer souffle (elle a été très irrégulière, voire absente ces derniers jours) ou alors les Hautes Fagnes, où l'altitude combinée à l'éloignement des centres urbains donnent un air plus sain.

Cumulonimbus

[titibel 0]

Merci cumulonimbus,sujet très intéressant pour ma part

[Invité Kikoo]

Il est vrai également que l'humidité joue un grand rôle pour supporter la chaleur.

Excellent article, comme d'habitude!

Modifié 5 juillet 2006 par Kikoo

[Andenne 0]

En effet, toujours interessant à lire. Merci à toi

Nos commentaires ont toujours l'air petits face à tes articles...

[fenec des banquises 0]

[maxous 0]

excellent article, très interessant, comme d'habitude

[dada 0]

Merci Cumulonimbus

[Frimas 0]

Merci Cumulonimbus pour toutes ces explications bien constructives pour la compréhension.

[Bréhat 0]

merci pour ton article super bien documenté , en résumé en conclusion moi je hais l'été en Belgique

Modifié 5 juillet 2006 par Bréhat

[bib 0]

Merci CB

J'ajouterais une composante psychologique (renforcée par le catastrophisme des médias) et un manque d'habitude.

L'habillement aussi: quand la température est élevée, l'idéal est d'avoir des vêtements très amples et longs: on se protège de la brûlure du soleil et on garde contre le corps un air... qui ne dépassera pas sa température.

Or ici, on fait juste l'inverse ! On se déshabille et on va au soleil...

Dans le midi et les pays chauds, la sieste à l'ombre est de rigeur toute l'après-midi. Rester au calme permet de mieux supporter la chaleur... et de profiter des nuits. Nous, on fait la grasse matinée puis on sort l'après midi (observez les webcams des plages !) Quand il commence à faire bon, vers 19h, tut le monde rentre pour manger puis regarder la TV.

Il n'y a pas qu'en Belgique que la chaleur est étouffante. Dans les pays tropicaux humides, la température de jour comme de nuit avoisine les 30°, humidité relative 100%, donc pas d'évaporation de la transpiration: on est mouillé en permanence pendant des mois, ainsi que les murs des maisons... En comparaison, ici, c'est très agréable, et cela change souvent...

A Riadh, nous avions jusque 55°: il n'est possible de le supporter que dans un état de demi-abrutissement, comme les nomades dans leur tentes, en buvant 10 litres par jour... ou la clim à fond ! Mais là, c'était agréable jusque 37°: la sécheresse de l'air et le vent permettait de se rafraîchir avec la transpiration ou en sortant de la piscine.

Nous avons eu plusieurs périodes estivales assez sèches cette année, comparée aux autres années... Je le vois bien ici (fond humide): j'ai pu laisser les portes ouvertes sans qu'il n'y ait de condensation à l'intérieur, ce qui n'était que rarement le cas les années précédentes.

Le Belge n'est il pas rouspéteur... un peu ... ?

[MLVH 0]

Merci beaucoup, cumuLoNimbus

Ca me rassure d'ailleurs un peu, étant donné que je fais partie de ceux/celles qui supportent difficilement les grosses chaleurs

Correction faite... désolée

Modifié 5 juillet 2006 par MLVH

[Toine Culot 0]

Merci beaucoup, cumunolimbus

V'là que la chaleur nous la rend dyslexique!

Merci Robert : Instructif, et bien exposé donc plaisant!

Merci aussi à bib pour les compléments d'information.

[MLVH 0]

Merci beaucoup, cumunolimbus 

V'là que la chaleur nous la rend dyslexique!

(...)

... comme tu dis

Je corrige de ce pas

[watch2 0]

Merci Cumulonimbus (et bib pour les compléments) ! Grandiose explication !

"il fait douff"

Sans doute une des expressions bruxelloises préférées des parisiens !

Ca les rend histériques cette expression ! Mais ce n'est absolument pas négatif, il s'agit d'un histérie presque admirative ! J'adore !

[MLVH 0]

Merci Cumulonimbus (et bib pour les compléments) ! Grandiose explication !

"il fait douff"

Sans doute une des expressions bruxelloises préférées des parisiens !

Ca les rend histériques cette expression ! Mais ce n'est absolument pas négatif, il s'agit d'un histérie presque admirative ! J'adore !

Alors là, je suis bien surprise : je n'aurais jamais imaginé que les Parisiens connaissaient le mot "douff"

[Lillo1060 0]

Même moi je le connaissait pas

[audranvandepontseele 0]

Merci beaucoup de l'article, CB! je trouve que c'est vraiment intéressant!

[Zwicky 0]

Article très instructif, merci beaucoup CB!