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cumulonimbus

40 ans d'abri fermé

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Bonjour à tous.

Ce vendredi, l’abri fermé à Uccle fête ses 40 ans. En effet, il est devenu opérationnel très exactement le 1er février 1968. Ce qui signifie que nous disposons à présent d’une série de 40 ans d’observations très homogènes, non seulement au niveau de la méthode de mesure, mais aussi de l’environnement autour du point de mesure. L’urbanisation d’Uccle (quartiers résidentiels) s’est opérée pour la majeure partie avant 1968. Après cette date, le tissu urbain ne s’est que peu modifié.

Voici donc le tableau des valeurs moyennes et extrêmes au cours de ces quarante années.

MaxJ et MinJ = moyenne des extrêmes journaliers, c’est-à-dire des maxima et des minima.

MaxM et MinM = moyenne des extrêmes mensuels, c’est-à-dire la moyenne des températures les plus élevées et les plus basses relevées au cours d’un même mois.

MaxA et MinA = extrêmes absolus, c’est-à-dire les températures les plus élevées et les plus basses de toute la série de 40 ans (avec l’année où l’extrême s’est produit).

Pour ce qui concerne les températures moyennes mensuelles, voir note à la fin de cet article.

Mois Janv Févr Mars Avr. Mai. Juin Juil Août Sept Oct. Nov. Déc.

MaxJ 05,8 06,4 10,0 13,5 17,8 20,4 22,5 22,4 19,0 14,7 09,3 06,2

MinJ 01,0 00,7 02,9 05,0 09,0 11,7 13,7 13,5 11,0 07,8 03,9 01,7

MaxM 12,0 12,9 17,4 21,7 26,2 28,8 30,4 30,0 25,2 21,6 15,9 12,7

MinM. –6,3 –5,4 –2,6 –0,4 03,2 06,5 08,8 08,9 06,2 02,3 –2,0 –5,1

MaxA 14,9 18,3 23,0 28,7 31,7 34,0 36,2 35,3 30,0 26,6 20,3 16,7

Date 2007 1990 1968 2007 2005 1976 2006 1990 1973 1985 1995 1989

MinA -16,8-13,1-10,2 –4,7 –1,0 02,5 04,4 05,9 03,3 –3,5 –7,4-12,0

Date 1985 1991 1971 1986 1981 1975 1984 1987 1979 2003 1998 1968

Pour pouvoir déterminer le réchauffement climatique à Uccle au cours des dernières décennies, il serait intéressant de couper la série en deux, c’est-à-dire prendre en considération deux séries complètes de 20 ans, dont la première s’étend du 1er février 1968 au 31 janvier 1988, et la seconde, du 1er février 1988 au 31 janvier 2008.

Je sais que 20 ans, c’est encore un peu court pour une série climatique complète (qui devrait avoir 30 ans), mais cela donne déjà une bonne image de ce qui se passe.

Ci-dessous, la première série concerne les maxima et minima moyens de la période de 20 ans la plus ancienne, la seconde série concerne la période de 20 ans la plus récente.

Mois Janv Févr Mars Avr. Mai. Juin Juil Août Sept Oct. Nov. Déc.

MaxJ 05,2 05,5 09,1 12,6 17,0 20,0 22,1 21,9 18,8 14,6 09,2 06,1

MinJ 00,5 -0,1 02,3 04,6 08,5 11,5 13,5 13,2 10,9 07,8 03,9 01,4

MaxJ 06,4 07,3 10,9 14,3 18,5 20,8 23,0 22,9 19,1 14,8 09,5 06,4

MinJ 01,5 01,5 03,6 05,4 09,5 12,0 14,0 13,8 11,0 07,8 03,9 01,9

La première série (01-02-1968 – 31-01-1988) est encore peu affectée par le réchauffement climatique. On y reconnaît assez bien le climat d’Uccle tel qu’il a toujours été. Ces moyennes ressemblent fort aux normes (homogénéisées) à très long terme calculées par l’IRM. Ces moyennes ressemblent aussi à la série 1931-1960 et à la série 1961-1990 (toutes deux homogénéisées également).

La seconde série (01-02-1988 – 31-01-2008) est par contre très fortement influencée par le réchauffement climatique. Celui-ci tourne autour de 1°C pour les maxima et est à peine plus faible pour les minima. Le réchauffement est le plus marqué à la fin de l’hiver et au printemps, et il est le moins marqué en automne et au début de l’hiver (et ce, malgré la présence de deux automnes consécutifs exceptionnellement chauds, en 2005 et 2006).

Le réchauffement marqué en février et en mars a déjà été commenté par le KNMI aux Pays-Bas. Le KNMI se rallie à l’hypothèse selon laquelle la modification de température dans les basses couches atmosphérique est (plus ou moins) inversement proportionnelle à la modification de température dans la stratosphère. Ce qui signifie donc que le climat est en train de se refroidir au niveau de la stratosphère pendant qu’il se réchauffe (effet de serre renforcé) dans les couches plus basses. Comme le réchauffement est le plus intense aux pôles, le refroidissement stratosphérique y est le plus intense aussi, ce qui augmente les contrastes thermiques à ces altitudes et y renforce les vents d’ouest aux latitudes moyennes.

En outre, la température stratosphérique atteint son minimum à la fin de la nuit polaire (février – mars), ce qui fait que le vent d’ouest stratosphérique atteint son maximum à cette saison.

Ces courants d’ouest auraient une influence sur les vents d’ouest dans la troposphère, en augmentant leur fréquence. Cela expliquerait cette douceur marquée, dans nos régions, à la fin de l’hiver et au début du printemps.

Plus tard au printemps, le réchauffement perdure en raison des effets de retour des hivers trop doux. En effet, la Mer du Nord trop chaude atténue la froideur des courants polaires directs. En outre, la fonte des neiges plus précoce sur la Scandinavie et l’Europe orientale (également affectées par ces vents d’ouest) y provoquent un réchauffement plus rapide en raison de l’albédo. Avril 2007 a été très caractéristique de ces courants continentaux chauds avant l’heure.

Le réchauffement estival a probablement une autre explication. Elle serait plutôt liée à une modification de la position moyenne de l’anticyclone des Açores, qui remonterait plus au nord et nous placerait plus souvent sous son influence (air (sub-)tropical).

Il n’existe pas d’explication claire pour le réchauffement moindre en automne. Il semblerait que cette saison, chez nous, soit le moins affectée par les modifications dans le patron global de la circulation atmosphérique. Le petit réchauffement qu’on observe quand même suivrait tout simplement le réchauffement global de la planète, alors qu’aux autres saisons, le réchauffement est plus marqué chez nous qu’ailleurs dans le monde (pôles exceptés).

Et qu’en est-il des autres paramètres ?

Voici un petit tableau des précipitations, entre 1968 et 1988 d’une part (en haut), et entre 1988 et 2008 d’autre part (en bas).

Tot. = moyenne des totaux mensuels de précipitations

Jpr. = moyenne du nombre de jours par mois avec précipitations mesurables

Mois Janv Févr Mars Avr. Mai. Juin Juil Août Sept Oct. Nov. Déc.

Tot. 70,6 48,2 78,0 54,3 74,1 80,2 71,3 60,9 59,4 64,4 81,2 65,1

Jpr. 21,7 15,4 20,0 18,4 19,7 17,6 16,0 16,7 16,3 17,6 20,1 19,7

Tot. 71,5 72,0 60,8 53,3 64,5 65,5 80,3 84,2 67,8 67,8 73,7 82,9

Jpr. 18,0 17,3 17,0 14,4 14,7 14,1 14,0 13,7 15,3 15,4 17,8 19,1

Les précipitations tendent à augmenter au niveau de la quantité, et à diminuer au niveau de la fréquence. Toutefois, en ce qui concerne la quantité, les précipitations ont un caractère trop aléatoire pour en tirer des conclusions. On voit bien qu’il pleut désormais davantage pendant certains mois, et qu’il pleut moins pendant d’autres mois sans qu’on puisse y attribuer une règle particulière, sinon celle du hasard. Toutefois, cela reste un paramètre à surveiller à l’avenir pour détecter les changements climatiques. Annuellement, on observait 807,7 mm de précipitations en moyenne entre 1968 et 1988, tandis que ce chiffre est passé à 844,3 mm entre 1988 et 2008.

Il faudrait des périodes plus longues, et surtout la comparaison avec d’autres stations pour en dégager les tendances précises.

En ce qui concerne la fréquence des précipitations, on voit une très nette diminution sur presque tous les mois. Là encore, il convient d’être prudent. La Belgique est un pays qui compte un grand nombre de jours avec de très faibles précipitations. Or, il faut savoir exactement à partir de quel critère on passe de précipitations non mesurables (gouttes) à des précipitations mesurables (0,1 mm). Une légère redéfinition de ce critère peut amener des changements non négligeables dans la comptabilité des jours avec précipitations mesurables. Il me semble par ailleurs que l’annotation « gouttes » était beaucoup plus fréquente dans les années 1970 que dans les années 2000. C’est quelque chose qu’il faudrait vérifier.

Malgré tout, une augmentation de la quantité des précipitations et une diminution de leur fréquence cadrent bien avec le réchauffement climatique, où les masses d’air tendent à devenir plus instables.

Voyons l’insolation maintenant (heures).

Mois Jan Fév Mar Avr Mai Jui Jui Aoû Sep Oct Nov Déc

Ins. 046 079 105 150 179 182 185 180 147 112 061 045

Ins. 059 069 114 160 203 195 203 198 139 112 067 042

L’insolation a aussi connu une nette augmentation au cours des dernières années. Cette fois-ci encore, il convient de vérifier si ces données sont bien homogènes. La méthode de Campbell pouvait présenter des imprécisions lors d’une « demi-insolation », c’est-à-dire en présence de cirrostratus ou d’altostratus translucidus. Il se peut que les méthodes actuelles soient plus précises, mais moins comparables avec des données plus anciennes.

Une augmentation de l’insolation, néanmoins, cadre aussi très bien avec le réchauffement climatique, pour les mêmes raisons que pour les précipitations. En outre, l’augmentation marquée des heures de soleil en été peut justement être liée à une influence plus grande de l’anticyclone des Açores sur nos régions.

Pour finir, voyons les paramètres directement liés à l’augmentation de la température.

En premier : les jours d’été et de chaleur (canicule), c’est-à-dire les jours où la température, respectivement, atteint ou dépasse les 25°C et les 30°C.

Mois Jan Fév Mar Avr Mai Jui Jui Aoû Sep Oct Nov Déc

JÉté 0,0 0,0 0,0 0,1 1,5 5,1 7,4 6,7 1,6 0,1 0,0 0,0

JCha 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 0,6 1,4 0,6 0,1 0,0 0,0 0,0

JÉté 0,0 0,0 0,0 0,5 3,0 5,3 9,8 8,5 2,1 0,1 0,0 0,0

JCha 0,0 0,0 0,0 0,0 0,3 0,8 1,8 1,9 0,0 0,0 0,0 0,0

Il est évident qu’une augmentation des températures a comme corollaire une augmentation des phénomènes caniculaires.

Jusqu’à présent, les extrêmes mensuels moyens suivent assez bien l’augmentations des extrêmes journaliers, ce qui signifie que la variabilité de notre climat n’a pas changé, tout est seulement plus chaud. Des étés caniculaires comme 1852, 1911, 1921, 1947 ou 1976 seraient de nos jours encore un peu plus chauds, c’est-à-dire encore plus catastrophiques. En 2003, la Belgique y a échappé belle (excepté le sud), avec un été qui n’a été « que » comparable à celui de 1976 (avec tout de même 0,5°C de plus dans les moyennes). En 2006, pendant un mois, nous avons déjà vu de quoi le climat peut désormais être capable.

Les jours de gel et d’hiver sont de toute évidence en diminution. En voici le tableau :

Mois Janv Fév. Mars Avr. Mai. Juin Juil Août Sept Oct. Nov. Déc.

JGel 11,8 13,0 08,3 02,1 00,1 00,0 00,0 00,0 00,0 00,2 04,8 10,8

JHiv 03,4 02,7 00,4 00,0 00,0 00,0 00,0 00,0 00,0 00,0 00,4 02,3

JGel 10,6 09,4 05,0 01,5 00,0 00,0 00,0 00,0 00,0 00,6 05,0 10,0

JHiv 01,6 01,0 00,2 00,0 00,0 00,0 00,0 00,0 00,0 00,0 00,5 01,8

Seul l’automne, moins touché par le réchauffement climatique, peut encore occasionnellement présenter une fréquence de valeurs « froides » un peu plus élevée, au gré des fluctuations.

Enfin, c’est au niveau de la neige que les changements sont les plus dramatiques.

JNge = nombre moyen de jours où des chutes de neige ont été observées

JSol = nombre moyen de jours où le sol a été, ne fût-ce que partiellement, couvert de neige

Mois Jan Fév Mar Avr Mai Jui Jui Aoû Sep Oct Nov Déc

JNge 5,8 4,9 3,8 2,6 0,2 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 2,1 3,9

JSol 7,9 8,2 2,3 0,3 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 1,5 5,0

JNge 2,3 5,4 3,0 0,9 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 1,1 3,2

JSol 2,4 4,0 1,4 0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,7 2,2

Notamment les jours où la neige persiste au sol au diminué de plus de moitié ! Les averses de neige qui, en raison d’une fluctuation aléatoire, ont été un peu plus fréquentes en février entre 1988 et 2008 (par rapport à la période 1968-1988) n’ont toutefois rien fait pour améliorer la présence de neige au sol. Le soleil plus fort de février (ce qui a toujours été le cas), associé à des gelée persistantes rares (ce qui n’a pas toujours été le cas) n’est franchement pas favorable au maintien d’une couche de neige au sol. Au début de l’hiver, c’est le retour trop rapide du dégel et de la pluie (circulation zonale plus fréquente) qui est néfaste à la neige.

Il n’y a presque plus aucune chance d’avoir un enneigement valable en mars. La dernière fois, c’était en 1971. En 1946, la neige a persisté au sol du 1 au 13 mars avec un maximum de 15 cm les 2 et 3.

En novembre, on a encore connu 21 cm en 2005, mais cette neige a fondu bien trop vite.

Voilà tout ce qu’on peut dire de l’évolution de notre climat jusqu’à présent. L’avenir, très vraisemblablement, nous en dira plus.

Cumulonimbus

Source : IRM via MétéoBelgique, avec tous mes remerciements à Philippe, qui a récemment compilé et publié toutes ces données.

Note : au début, l’abri fermé n’était utilisé que pour les températures maximales et minimales. De février 1968 à mai 1983, les températures moyennes continuaient à être celles de l’abri ouvert. À l’heure actuelle, les températures moyennes publiées pour cette période ont été corrigées pour les ramener à celles de l’abri fermé (comme d’ailleurs toutes les moyennes antérieures à février 1968) grâce à des correctifs d’homogénéisation. C’est pour cela que dans cet article, exclusivement réservé aux températures mesurées dans l’abri fermé, je n’ai pas mentionné les températures moyennes.

Note 2 : ces données d’Uccle sont assez représentatives pour une grosse portion du territoire belge, sur une région limitée par Tournai, Courtrai et Gand à l’ouest, par Anvers au nord, par Liège à l’est et par Namur, Charleroi et Mons au sud. Il faut seulement tenir compte des particularités locales (vallée, plateau, plaine) et des phénomènes habituels qui y sont liés, pour affiner la connaissance du climat du lieu où l’on habite (ce qui est d’ailleurs vrai partout dans le monde).

La côte, la Campine, l’Ardenne et la Gaume connaissent par contre des climats très différents de celui d’Uccle. Les stations à longue série d’observations, représentatives pour ces régions et permettant également une étude des modifications climatiques, sont Middelkerke, Kleine Brogel (mais attention ! Un abattage d’arbres y a modifié l’environnement), Elsenborn, Rochefort et Virton.

Edit : j'ai corrigé encore quelques fautes de français qui traînaient

Modifié par cumulonimbus

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Que dire de plus... article très complet thumbsup.gif

Ah oui... Bon anniversaire à l'abri pour ces 40 bougies... wink.gif

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