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cumulonimbus

Le Dernier Grand Hiver

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Bonjour à tous,

Je vous parlerai ici du dernier grand hiver que notre pays ait connu, en l’occurrence celui de 1984-85. S’il n’a pas réussi à bien se classer dans les statistiques globales, c’est parce qu’il a connu quelques intermezzi très doux, qui ont fait remonter les moyennes. Par contre, si l’on considère l’intensité, la longueur et la qualité des épisodes froids, cet hiver peut sans vergogne se comparer aux plus grands du siècle, comme par exemple 1939-40, 1941-42 ou 1962-63.

Rien, pourtant, n’annonçait un tel hiver. Le 1er décembre 1984 a même été une journée particulièrement douce, sous quelques rayons de soleil et un petit vent du sud d’origine tropicale. À l’ouest du pays, les températures sont même tout à fait exceptionnelles, avec 16,8°C à Beitem (près de Roulers), 16,5°C à Wasmuel et encore 15,4°C au bout de l’estacade du port d’Ostende. À Uccle, le maximum a atteint 14,0°C et à Mont-Rigi (altitude : 674 m), 11,4°C. Localement, en basse et moyenne Belgique, une faible inversion a donné des températures moins spectaculaires, mais l’impression printanière était bien présente partout, à l’exception de la Gaume.

Par la suite, un petit temps hivernal doux et bien belge s’est installé, avec une circulation d’ouest tantôt teintée de hautes pressions, tantôt dépressionnaire avec le passage de perturbations actives. Le gel s’est fait attendre. À certains endroits, comme à Uccle, la première gelée de la saison hivernale ne s’est produite que le 29 décembre, et d’aucuns croyaient encore qu’il ne s’agissait que d’un phénomène isolé, bientôt balayé par la prochaine zone de pluie. Pourtant, la situation atmosphérique générale avait bien changé entre-temps. Désormais, les centres d’action ne se déplaçaient plus d’ouest en est, mais d’est en ouest, préparant le terrain pour l’arrivée d’air de plus en plus froid.

Le 1er janvier 1985 sera d’abord une journée très désagréable, froide et pluvieuse, avec un vent soutenu d’ouest et des nimbostratus suivi de stratocumulus doublés de cumulus, et quelques cumulonimbus donnant encore des averses. Les températures maximales se situent à peu près partout entre 3 et 6°C. Seule l’Ardenne connaît déjà des conditions hivernales, avec 8 cm de neige à Saint-Hubert (altitude : 557m).

La dépression, responsable de ce mauvais temps, descend du Danemark vers le sud, tandis qu’une imposante crête anticyclonique, soutenue en altitude, se bâtit à l’ouest de nos régions, de l’Espagne jusqu’en Islande, puis jusqu’aux îles du Spitsberg. La voie est ouverte pour les courants polaires. La température au niveau 850 mb (1390 m), encore de –5°C à 12h, descendra jusqu’à –7°C à minuit. L’hiver est là…

Le 2 janvier 1985, on signale déjà un petit centimètre de neige à Florennes (altitude : 299 m) tandis qu’à Saint-Hubert, on mesure 13 cm. Dans la plupart des autres régions cependant, il faut encore patienter. La dépression, à présent située sur la République Démocratique Allemande (eh oui, ça existait encore en 1985), nous envoie un nouveau front froid, mais affaibli. Il est suivi d’air polaire continental, se chargeant d’humidité après un détour sur la Mer du Nord.

Chez nous, le vent souffle de nord désormais et la température est proche de 0°C en journée au centre du pays. Le ciel est d’abord couvert de stratocumulus, parfois doublés de cumulus, puis cela se déchire avec des cumulus et quelques altocumulus. Au niveau 850 mb (1370 m), la température est de –10°C à présent. Toutefois dans les couches supérieures, la configuration est trop stable pour générer des averses.

Le 3 janvier 1985, on observe dès le matin des averses de neige en de nombreux endroits. À Coxyde, on relève 5 cm de neige, à Uccle et Bierset, 3 cm tandis qu’à Saint-Hubert, la couche atteint 15 cm. Le gel est généralisé le matin, souvent autour de –3 ou –4°C en plaine, alors que les maxima, grâce aux températures basses au niveau 850 mb (-9°C à 1380 m), ne dépassent guère 0°C, à l’exception de la bande littorale où l’on relève encore 4°C.

En altitude, le vent souffle de nord tandis que dans les basses couches, par effet de frottement, il est faible à nul, principalement en provenance d’ouest. Après les chutes de neige, le ciel reste couvert avec des stratus.

Sur les cartes météo, on distingue maintenant un magnifique blocage « oméga », avec une crête à l’ouest de nos régions, montant jusqu’aux îles du Spitsberg, et de part et d’autre, deux dépressions, l’une sur l’océan et l’autre sur les Balkans.

Le 4 janvier 1985, le patron général de l’atmosphère demeure inchangé, sauf que la crête de « l’oméga » tend à se détacher et à former une circulation anticyclonique fermée entre l’Islande et l’Écosse.

De faibles chutes de neige, observées pendant la nuit, ont augmenté la couche au sol. Elle est de 7 cm à Coxyde, 4 cm à Chièvres, Uccle, Beauvechain et Florennes, 6 cm à Deurne (Anvers) et Bierset, et 20 cm à Saint-Hubert.

Des éclaircies en fin de nuit, et un flux général qui bascule vers le nord-nord-est font brutalement chuter les températures. Des valeurs inférieures à –10°C sont signalées en de nombreux endroits. Les lieux exposés connaissent même déjà des températures particulièrement basses, comme Rochefort avec –17,4°C.

À Uccle, le minimum est de –8,2°C tandis que Middelkerke ne descend pas en-dessous de –2,8°C. Au niveau 850 mb (1350 m), les températures sont en chute libre aussi, avec –12°C à midi et –17°C à minuit. Les maxima ne dépassent donc plus 0°C nulle part. Le petit trajet que l’air polaire continental persiste à effectuer sur la Mer du Nord fait en sorte que le ciel se recouvre rapidement de stratus et de stratocumulus, avec à nouveau de faibles chutes de neige.

En soirée, le ciel se dégage à nouveau.

Le 5 janvier 1985 est une très belle journée hivernale, avec quelques stratus fractus le matin, puis du soleil avec quelques cumulus humilis, surmontés de cirrus et de quelques bancs d’altocumulus. Après l’installation d’un anticyclone sur la Scandinavie, il commence à faire très froid. À Uccle, le minimum a frisé les –10°C alors qu’ailleurs, on est descendu encore beaucoup plus bas, même en plaine. Moerbeke (Flandre orientale) est descendu jusqu’à –17,0°C pendant que Koersel (Limbourg) est descendu jusqu’à –18,0°C. La valeur la plus étonnante a été celle de Coxyde, avec –18,4°C !

En Ardenne, on a enregistré les premiers –20°C, avec –20,4°C à Nadrin, entre La Roche-en-Ardenne et Houffalize, à quelque 400 mètres d’altitude.

En journée, les températures restent inférieures à –5°C à peu près partout, avec même un maximum de –12,5°C au Centre Nature de Botrange, à 655 mètres d’altitude.

Le 6 janvier 1985, après une nuit dégagée, connaît un début de journée plus froid encore que la veille. Partout, on est passé sous la barre des –10°C (à l’exception de l’estacade d’Ostende, avec –7°C). À Middelkerke, on relève –13,8°C, à Uccle, -13,7°C et à Rochefort, -22,8°C !

De l’air polaire continental stagne sur nos régions tandis qu’une dépression se creuse sur la Mer du Nord et se déplacera ensuite vers nos régions. Le ciel se couvre à nouveau, avec des stratocumulus, des altocumulus puis des altostratus. Le vent tourne au sud-ouest et un léger dégel s’amorce dans la région côtière et l’extrême ouest du pays. Ailleurs, il continue à faire très froid avec des chutes de neige d’abord faibles, puis d’importance variable selon les régions. Au niveau 850 mb (1350 m), la température est maintenant de –12°C.

Le 7 janvier 1985 commence sous les chutes de neige. La couche s’est épaissie partout, sauf au nord du pays, où Anvers doit se contenter de 6 cm. Ailleurs, on observe 10 cm à Chièvres, Uccle et Beauvechain, 11 cm à Coxyde, 12 cm à Florennes, 14 cm à Bierset et 29 cm à Saint-Hubert.

La dépression, et la perturbation qui y est associée s’évacuent vers le sud. Après les nimbostratus du matin, la couche nuageuse se déchire, les stratocumulus se muent en cumulus, puis le ciel se dégage. Un courant de nord amène de l’air polaire direct sur la Mer du Nord, qui ne nous atteindra cependant pas. Immédiatement au nord de la dépression précitée, le flux est de nord-est et nous amène à nouveau de l’air polaire continental très froid. Les maxima demeurent particulièrement bas : -6,6°C à Middelkerke, -8,7°C à Uccle, -10,4°C à Beauvechain et –12,5°C au Centre Nature de Botrange.

Le 8 janvier 1985 présente les conditions idéales pour des minima exceptionnellement bas : neige fraîche, ciel serein et absence quasi totale de vent. Et le résultat est à la hauteur des espérances : -15,2°C à Middelkerke, -16,8°C à Uccle, -21,8°C à Braine-l’Alleud (Brabant wallon), -23,0°C à Koersel et –25,4°C à Rochefort ! Seuls février 1895 et janvier 1940 ont enregistré des températures encore plus basses en Belgique, avec respectivement –29,8°C à Ville-du-Bois (Vielsalm) et –30,1°C à cette même station de Rochefort.

Au Parc Nature de Botrange, toutefois, en raison d’une situation de plateau guère favorable à l’accumulation d’air froid par nuit calme, le minimum n’est pas descendu en-dessous de –17,0°C, en dépit de l’altitude (655 m).

Pendant ce temps, la situation atmosphérique évolue lentement. Après la dépression, c’est au tour de la crête anticyclonique de s’affaisser vers le sud, alors qu’une nouvelle dépression se dessine sur la Mer du Nord. Chez nous, cela se traduit par un vent de sud-ouest en surface et de nord en altitude, avec un ciel d’abord peu nuageux avec des cirrus, après la dissipation du brouillard, puis apparition en après-midi d’altocumulus et de stratocumulus. La température au niveau 850 mb, de –15°C à 1400 m, maintient les maxima à un niveau très bas, de l’ordre de –7 à –8°C au centre du pays. La nuit, les températures remonteront à tous les niveaux, le vent se renforcera et il se mettra à neiger abondamment en fin de nuit.

Le 9 janvier 1985, il neige toute la journée. Le matin déjà, la couche s’est épaissie et elle s’épaissira encore en journée. Le ciel est couvert d’un épais nimbostratus, à l’allure uniforme et blanchâtre en raison de la neige, et le vent de sud-ouest soutenu donne à cette journée un caractère particulièrement hivernal. Pendant ce temps, la température remonte dangereusement, jusqu’à –2°C en soirée au centre du pays, et le dégel se manifeste dans la région côtière. Le responsable en est… un front froid ! Mais il s’agit en réalité d’un front froid masqué avec, à l’avant, un air maritime assez doux mais fortement refroidi par le bas sur le continent et, à l’arrière, de l’air polaire maritime fortement réchauffé par le bas sur la Mer du Nord. Résultat : dans les basses couches, l’air est moins froid à l’arrière du front froid.

Au niveau 850 mb, l’ordre se rétablit déjà, avec –9°C à l’avant du front et –11°C à l’arrière, avec un vent du nord.

Au niveau du sol, le vent de sud-ouest a protégé l’intérieur des terres du dégel, en limitant le réchauffement des toutes basses couches.

Le 10 janvier 1985, la dépression et la perturbation s’évacuent à nouveau vers le sud tandis qu’une vaste zone anticyclonique, à l’ouest de nos régions, commande un flux de nord contenant de l’air polaire maritime. Le dégel temporaire au littoral n’a encore en rien affecté la couche de neige, qui atteint maintenant 16 cm à Coxyde. Mais les températures remontent à nouveau dans la zone côtière, en dépit de la nuit très froide qui a précédé (-10,6°C à Middelkerke en raison d’éclaircies et d’une brise de terre). L’après-midi, avec un petit vent de nord, on observe même des averses de pluie sur la bande côtière, avec des températures de 2 à 3°C.

À l’intérieur des terres, le dégel ne se manifeste pas. En même temps, les –8°C au niveau 850 mb (1440 m) ne sont plus assez bas pour maintenir l’instabilité à une certaine distance de la mer. La nébulosité, souvent abondante, se composera donc de stratocumulus.

La neige tombée la veille a toutefois notablement augmenté la couche neigeuse, avec 18 cm à Uccle, 21 cm à Beauvechain, 26 cm à Florennes et 32 cm à Saint-Hubert.

Le 11 janvier 1985, les restes d’un front occlus traînent sur l’est du pays pendant qu’une zone de hautes pressions se dessine sur les Îles Britanniques. Si la situation évolue sans cesse à basse altitude, avec le passage de nombreux fronts, elle reste grosso modo la même à haute altitude, où l’on observe un immense creux rempli d’air froid qui descend très bas vers le sud, englobant l’Espagne, l’Italie et même la Grèce.

Les véritables perturbations du front polaire se trouvent très bas en latitude. Les perturbations qui nous affectent, nous, depuis quelques jours séparent en fait l’air polaire maritime assez froid de l’air polaire continental très froid.

En ce jour du 11 janvier, l’air polaire maritime qui nous est arrivé l’avant-veille continue à stagner sur nos régions, avec la poursuite d’un gel faible à modéré. Le temps est brumeux et gris, avec des stratus et des stratocumulus accompagnés d’un peu de neige en grains. En fait, les sondages nous révèlent que l’air polaire maritime n’est vraiment présent qu’au-dessus d’une inversion située à 900 mètres. En-dessous, l’air s’est refroidi et continentalisé.

Le 12 janvier 1985 commence sous de faibles chutes de neige, avec des températures de –4 à –6°C au centre du pays. Là, la couche s’est encore épaissie, avec 22 cm à Uccle et 23 cm à Beauvechain.

À la côte par contre, le dégel revient dès le matin, avec 3°C. En journée, la température y montera encore jusqu’à 4, voire 5°C et on y observera régulièrement de la pluie ou de petites averses, avec des stratocumulus doubles de cumulus et un vent soutenu de nord, basculant progressivement au nord-est. Il est donc évident que la couche de neige se dégrade dans cette région. À Coxyde, elle n’atteignait plus que 13 cm le matin, et diminuera jusqu’à 10 cm le lendemain.

Ce dégel, en journée, se propagera très temporairement jusqu’au centre du pays, avec un maximum de 1,1°C à Uccle. Là toutefois, il continuera à neiger faiblement par intermittence, et l’hiver n’est pas en péril.

La cause de cette menace de redoux sur une partie du pays est à rechercher dans une portion d’air maritime sur la Mer du Nord, qui déborde un peu sur les terres avoisinantes. En altitude par contre, la situation est très rassurante : un magnifique « oméga » en train d’évoluer vers un blocage « high over low ». Le froid ne tardera pas à revenir.

En Italie, pendant ce temps, la vague de froid atteint son paroxysme avec –23,2°C à Florence !!!

Le 13 janvier 1985 : chose promise, chose due, le froid nous revient en force ! Aux petites heures, on repasse dans l’air polaire continental, avec une forte chute des température et un vent mordant de nord-est. Les minima se situent autour de –7°C au littoral, entre –10 et –13°C à l’intérieur des terres et localement jusqu’à –15°C en haute Belgique. En journée, les maxima ne s’élèvent guère : -8,7°C à Uccle et -9,4°C à Beauvechain. Dans le reste du pays, les valeurs sont quasi similaires.

Au niveau 850 mb, cette chute des températures est bien visible aussi : encore –7°C à 1480 m la veille, puis –11°C à 1450 m durant la nuit, et enfin –16°C à 1450 mètres à midi. Le temps, quant à lui, est nuageux à très nuageux, avec des stratus de turbulence se déchirant parfois, et un peu de neige en grains. L’épaisseur de neige atteint son maximum à Uccle, avec 23 cm. À Beauvechain, on note 23 cm aussi, mais depuis déjà quatre jours à cette station. Florennes relève 30 cm, Saint-Hubert, 33 cm et Mont-Rigi, 65 cm.

Le 14 janvier 1985, le patron atmosphérique est on ne peut plus hivernal, avec une situation de « high over low » et un anticyclone au sol sur la Scandinavie.

La nuit, les températures ont été à nouveau extrêmes : -22,4°C à Rochefort et –16,8°C à Beauvechain. À Uccle, le minimum est un peu moins marqué, avec –13,8°C.

En journée, le temps sera beau et froid, avec quelques altocumulus. Ceux-ci donneront quelques étoiles de neige. Les maxima seront le plus souvent voisins de –6°C, sauf au littoral où il fera un peu moins froid et en Ardenne où il fera bien plus froid avec un maximum de –12,4°C à Thimister (près de Herve).

Le 15 janvier 1985 sera la journée la plus éprouvante de cet hiver. Bien que la nuit ait été légèrement moins froide que la précédente, les maxima resteront extrêmement bas sous un ciel très nuageux, avec des stratocumulus et des stratus fractus qui distilleront régulièrement de faibles chutes de neige. La température ne dépassera pas –9,8°C à Uccle et –11,6°C à Beauvechain. Pour cette dernière station, il s’agit du deuxième maximum le plus bas depuis le début des observations en décembre 1953. Seul le 1er février 1956 a fait mieux, avec –12,7°C.

Le 16 janvier 1985, ce sont à nouveau les minima qui prennent des valeurs extrêmes. La barre des –20°C est dépassée même au Hainaut, avec –20,6°C à Godarville. À Dourbes, on observe –19,2°C, à Chièvres, -18,9°C et à Coxyde, -15,6°C (valeur à 7h pour cette station).

Au centre du pays, en raison d’un ciel nuageux avec d’épais bancs d’altocumulus, les minima descendent moins bas, avec –11,3°C à Uccle.

En journée, les maxima resteront extrêmement bas surtout sur l’ouest du pays, avec –9,4°C à Middelkerke et –11,6°C à Beitem. C’est un record absolu pour Beitem, depuis le début des observations en décembre 1953.

La situation atmosphérique n’a guère évolué en surface, avec toujours un anticyclone sur la Scandinavie. En altitude par contre, l’inversion de subsidence descend et fait fortement remonter les températures. Au niveau 850 mb, on observait encore –17°C à 1410 m la veille, juste en-dessous de l’inversion, tandis que 24 h plus tard, il y fait –5°C à 1460 m, au-dessus de l’inversion cette fois. Le « nez » de l’inversion se situe par ailleurs à 1180 m, avec –3°C.

Au centre du pays, cette inversion est repérable à une brume sèche persistante, tandis qu’on observe des altocumulus plus haut dans le ciel.

Le 17 janvier 1985 marque le début d’une période de temps « crasseux », sous une inversion qui s’abaisse de plus en plus.

En ce jour, le temps est couvert, avec brume, brouillard, stratus et pollution. Lorsque les stratus et stratocumulus s’ouvrent un peu, on entrevoit d’épais altocumulus mêlés à de l’altostratus.

Les températures maximales remontent un peu et tournent autour de –4°C, après une nuit qui a encore été très froide par endroits, notamment sur l’ouest du pays. À Wevelgem, le thermomètre est descendu jusqu’à –17,6°C. Chièvres a noté –17,5°C et Coxyde, -16,3°C. À Beitem, après le maximum de –11,6°C la veille, le mercure est descendu jusqu’à –16,0°C.

Sur les cartes météo, on voit encore en surface une belle ceinture anticyclonique qui persiste au nord de nos régions, mais en altitude, le blocage « high over low » bascule et s’affaiblit. Près de nos régions, on retrouve également les restes d’un front occlus.

Le 18 janvier 1985, au niveau 850 mb, la température repasse au-dessus de 0°C (1°C à midi, à 1310 m d’altitude). Le début de l’inversion se trouve à présent très bas, vers 400 m, alors que le « nez » se trouve précisément au niveau 850 mb, à 1310 m. La conséquence en est un stratus persistant toute la journée, avec un brouillard contenant une pollution extrême.

Notre pays reste encore dans les courants d’est grâce à des dépressions qui circulent au sud de nos régions, mais la lente remontée des centres d’action vers le nord coupe l’arrivée d’air froid. Il n’en subsiste plus que des poches à basse altitude.

Dans l’ensemble, les températures maximales se situent à nouveau aux environs de –4°C, sauf en haute Belgique où elles dépassent localement le 0°C, comme à Spa (0,7°C) et à Hockai, situé un peu à l’est de Spa (1,4°C).

Le 19 janvier 1985 commence comme la veille, sous une chape de brouillard pollué, évoluant en stratus. Mais cette fois-ci, cela se déchire l’après-midi, laissant la place à un ciel peu nuageux à travers la brume sèche, avec des altocumulus et des cirrus.

Une faible dépression sur le Golfe de Gênes détermine toujours des courants de nord-est sur notre pays, tandis qu’une occlusion campe à l’ouest de nos régions.

La baisse de pression réduit quelque peu la subsidence et le réchauffement qui y est lié, et la température repasse en-dessous de 0°C à tous les niveaux. Néanmoins, la configuration reste très stable, avec une inversion qui persiste vers les 400 m. Cette mince couche d’air parvient à fort se refroidir sous les éclaircies du soir, avec à nouveau des –10°C en de nombreux endroits dès la première partie de la nuit.

Le 20 janvier 1985, le retour des stratus en deuxième partie de nuit limite la poursuite du refroidissement nocturne. Seules quelques stations enregistrent encore des valeurs fort basses, comme Beauvechain avec –14,3°C, Asse (près de Bruxelles) avec –13,8°C et Zaventem avec –12,6°C.

Les stratus, avec parfois du brouillard jusqu’au niveau du sol, persisteront à nouveau toute la journée. À l’approche d’un front chaud, toutefois, les températures remontent lentement. En soirée, il se remet à neiger, ce qui à première vue pourrait faire croire à une poursuite de l’hiver. Mais cette fois-ci, il s’agit bien d’une neige précédant le dégel, qui sera suivie de pluie en deuxième partie de nuit.

Le 21 janvier 1985 au matin, on observe encore 13 cm de neige fondante à Uccle. À Coxyde, cette couche n’atteint plus que 7 cm tandis qu’à Florennes, elle est encore de 16 cm. Mais presque partout, cette neige fondera rapidement, pour ne laisser plus que des restes de neige fondante le lendemain. Seule l’Ardenne gardera un manteau neigeux, jusqu’au 29 janvier à Saint-Hubert et tout le mois dans les Hautes Fagnes.

Après le passage d’un premier front chaud, une nouvelle occlusion s’apprête à aborder notre pays, suivie d’une autre perturbation encore, avec cette fois-ci la présence d’un secteur chaud. Le tout est commandé par une dépression centrée au sud-ouest de l’Irlande, se déplaçant vers l’Écosse.

Le « zonal » est de retour chez nous, avec des altostratus et stratocumulus suivis de nimbostratus avec pluie et bruine. Au centre du pays, les températures montent déjà jusqu’à 5°C, pour encore augmenter jusqu’à 7°C la nuit suivante. En basse et moyenne Belgique, l’hiver a l’air bien fini...

Les jours suivants, une circulation de sud-ouest s’installe sur notre pays, avec des températures qui montent souvent jusqu’à 9 ou 10°C, voire localement 11°C. Mais à la moindre éclaircie nocturne un peu plus longue, au-dessus du sol encore froid, il se remet à geler avec risque de verglas.

En dehors de cela, cette douceur atteindra son apogée le 2 février 1985 où, sous un ciel nuageux à beau avec cumulus, stratocumulus et altocumulus, et un petit vent doux d’ouest, on a une véritable impression de printemps, avec des températures de 11 à 12°C en de nombreux endroits.

Cette impression de début mars en début février persistera quelques jours encore, avec soleil et températures proches de 10°C en journée. Mais le 6, les choses changent à nouveau…

Le 6 février 1985, le ciel est à nouveau couvert, avec brume, stratus et bruine. Le vent souffle de sud-ouest à ouest avec des températures de 6 à 7°C. Rien ne semble anormal, sauf si l’on regarde les cartes météo. Là on remarque que les perturbations, au niveau du Danemark, sont en train de buter contre un anticyclone en train de se développer sur la Scandinavie. L’un de ces fronts est même en train de revenir vers nos régions, à la rencontre des autres fronts qui eux, se dirigent encore vers l’est. En soirée, une rotation du vent en surface vers le nord, bien qu’encore sans baisse notable de la température, est déjà un signe avant coureur du changement.

Le 7 février 1985, on observe de belles éclaircies entre deux perturbations, suivi d’un ciel voilé de cirrostratus en après-midi. Le vent continue sa rotation vers l’est, mais il ne fait encore que modérément froid.

Le 8 février 1985, le vent continue de souffler d’est et la température continue à baisser graduellement, pour passer en-dessous de 0°C en après-midi au centre du pays. Mais la grande surprise viendra du ciel, avec d’importantes précipitations pluvieuses qui tomberont l’après-midi par températures négatives, et qui formeront un gigantesque verglas. Plus tard, en soirée, ces précipitations se transformeront temporairement en neige avant de redevenir de la pluie et de la bruine, toujours se congelant au sol. Il s’agit en fait de trois fronts occlus qui se rencontrent et qui fusionnent sur nos régions en devenant stationnaires, coincés entre d’une part un flux de sud-ouest commandé par une dépression sur l’océan, et d’autre part un flux d’est commandé par une zone anticyclonique s’étendant de la Scandinavie à la Nouvelle Zemble.

Le 9 février 1985, l’ensemble perturbé est toujours coincé au-dessus de nos régions. Le ciel reste couvert avec stratus, nimbostratus et stratocumulus. Au sol, la température continue à baisser pour atteindre –4°C en matinée, tandis que les pluies verglaçantes persistent. En après-midi, l’air froid gagne en épaisseur, la couche avec des températures supérieures à 0°C en altitude disparaît et la pluie se transforme en neige. Au sol, on notera 3 cm à Uccle.

Le 10 février 1985, l’épaisseur de la couche d’air très froid atteint 1000 mètres à minuit, avec –10°C au sommet de la couche. Cette couche ne s’épaissira guère davantage durant les jours suivants, mais deviendra très persistante. La dernière occlusion s’étant évacuée vers le sud, le ciel s’éclaircit rapidement et, en deuxième partie de nuit, les températures se mettent à chuter au niveau du sol aussi, pour atteindre –9,7°C à Uccle et –14,2°C au Centre Nature de Botrange. En journée, les maxima resteront négatifs partout malgré le soleil, avec des valeurs comprises le plus souvent entre –4 et –7°C.

La deuxième décade de février sera extrêmement ensoleillée et très froide, avec un vent mordant d’est. À Uccle, on totalisera 81h35 de soleil en 10 jours, ce qui est même au-dessus de la moyenne pendant les mois d'été. Les températures minimales les plus basses seront de –12,0°C les 12 et 13 février.

Dans un premier temps, les minima se répartiront de façon plus ou moins uniforme sur le pays en raison de la turbulence de l’air, mais plus tard, on notera à nouveau des températures très basses aux endroits exposés. À Saint-Vith, on notera –18,2°C le 19 et –18,7°C le 20. À Rochefort, on notera trois fois –16,4°C, les 19, 20 et 21 février. À Knokke, la température descendra à –13,4°C les 16 et 19.

La neige, quant à elle, sera peu épaisse mais persistera longtemps au sol, avec 4 à 5 cm au centre du pays. À Uccle, cette couche persistera 17 jours au total, du 9 au 25 février. Ajoutés au 19 jours de neige en janvier, cela en fait un hiver tout à fait remarquable à ce point de vue.

La troisième décade de février verra la poursuite d’un temps encore froid, mais plus nuageux jusqu’au 23, avant l’arrivée d’une brusque bouffée d’air très doux les 24 et 25. À Uccle, les températures atteindront respectivement 11,6 et 12,3°C avec du temps très ensoleillé le 24. Ce jour, la température montera jusqu’à 14,0°C à Dourbes et 14,5°C à Arlon.

Sans les restes de neige, les températures seraient sans doute encore montées bien plus haut. Le sondage d’Uccle du 25 révèle une couche d’air à 14°C entre 560 et 700 mètres d’altitude, et une température au niveau 850 mb, à 1570 m, de 6°C. Sans le sol encore froid, on aurait facilement eu 17 à 18°C, voire même 19 à 20°C aux endroits exposés.

En conclusion : ce sont ces quelques épisodes très doux qui ont « gâché », en quelque sorte, la moyenne de cet hiver. Malgré cela, on peut en parler comme du dernier « grand hiver » que notre pays ait connu. Les deux hivers suivants, 1985-86 et 1986-87, connaîtront tous les deux des épisodes froids intenses et parfois prolongés, mais de moindre amplitude que durant l’hiver 1984-85. Seules les Hautes Fagnes auront un hiver de qualité supérieure en 1985-86, en raison d’un enneigement très important (mais limité aux hauts plateaux) et de températures très basses en février.

Plus tard, notre pays connaîtra encore un épisode froid très intense, mais bref, durant l’hiver 1996-97.

Sources :

IRM

- Bulletins mensuels – observations climatologiques

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N'as t'on pas, a l'heure actuelle, plus de chance d'avoir un bel hiver s'il commence à faire froid tôt dans la saison? Je pense que pour cet automne 2008 et début d'hiver on n'a pas à se plaindre!

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Très intéressant, l'article Robert :thumbsup::thumbsup: :thumbsup:

Dommage que les données de l'aérodrome d'Elsenborn n'existaient pas encore, histoire de voir si dans des situations favorables, il ne serait pas descendu encore plus bas que Rochefort (je pense que oui).

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Merci pour ce bel article Robert ! :thumbsup:

Que de beaux souvenirs ces hivers du milieu des années 80 ! :rolleyes:

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Merci Robert, je m'en souvient aussi très bien :thumbsup:

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Encore un impeccable sujet de Robert. Merci de nous faire revivre de si merveilleux moments alors qu'on attend toujours le retour de pareilles conditions.

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Waow....Vraiment très très intéressant. Super article! :thumbsup:

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je m'en souviens bien aussi, je revenais de 3 ans en .....Arabie Saoudite :whistling:

Remarquable rapport, Cunimb :thumbsup:

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Superbe, encore merci !!!!!!

:thumbsup::thumbsup::thumbsup:

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Merci Roger, je m'en souviens fort bien.... :thumbsup:

"Roger" :lol::lol::lol::lol:

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Très bel & très intéressant article Robert !!! ;):thumbsup:

Je m'en souviens encore ... faut dire que j'allais au collège en vélo à l'époque, alors forcément on se souvient tjrs mieux des conditions météo ... :D

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