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Ruée sur le pôle Nord

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Un article decrivant un aspect plus "DUNE" (le livre) de la fonte des glaces artiques...

Bonne lecture

Ruée sur le pôle Nord

Quand la banquise aura disparu

L'océan Arctique recèle de gigantesques gisements énergétiques. Ils seront accessibles quand les glaces polaires, à cause du réchauffement climatique, auront fondu. Qui bénéficiera de ce trésor ? La guerre du pôle a déjà commencé

Source : http://hebdo.nouvelobs.com/p2211/articles/a336805.html le 22 mars 2007

Pat Broe est déjà entré dans l'histoire. En qualité de pionnier : le8 septembre 1997, cet entrepreneur de Denver, Colorado, propriétaire de la compagnie de trains Omnitrax, a acheté le port de Churchill pour 10 dollars canadiens. Petite commune de 1 100 habitants sur la rive ouest de la baie d'Hudson, au bout d'une ligne de chemin de fer qui traverse la campagne du Manitoba, Churchill n'avait pas l'ambition de devenir une plaque tournante du commerce international. Sa principale attraction ? Les ours blancs, qui se retrouvent là chaque année dans l'attente des premières glaces d'hiver sur la baie. Aujourd'hui, Churchill est à l'aube d'un nouveau destin : la fonte des glaces polaires est en train de dégager le passage à la navigation. La disparition de la banquise, au moins pendant l'été, ouvrira aux navires une nouvelle voie entre l'Atlantique et le Pacifique, évitant le cap Horn. Le « pont Arctique » réduira de 40% la distance maritime entre l'Asie du Nord-Est et l'Europe, et rapprochera considérablement le Canada de l'Eurasie. Ce bouleversement écologique ne sera pas une catastrophe pour tout le monde : d'après Pat Broe, le port pourrait dans l'avenir rapporter 100 millions de dollars par an !

« Entre septembre 1980 et aujourd'hui, la surface des glaces de mer arctiques, mesurée à la fin de l'été, est passée de 7 à 5 millions de kilomètres carrés, soit une réduction de plus d'un quart, explique Frédérique Rémy, du laboratoire Legos (Observatoire Midi-Pyrénées). Et le phénomène risque de s'accélérer, voire de s'emballer, du fait d'une rétroaction positive : quand la banquise fond, elle ne réfléchit plus la lumière solaire et l'océan absorbe 4 à 5 fois plus de chaleur, de sorte que la fonte augmente encore.» Autant dire que l'avenir des banquises est compté. Selon Michael Oppenheimer, de Princeton, d'ici à la fin du siècle, si la fonte des glaces se poursuit, la couronne de glace qui a coiffé la planète pendant des millions d'années pourrait céder la place à un pôle Nord tout bleu.

Source d'inquiétude pour les défenseurs de la nature, la fonte des glaces arctiques provoque aussi une véritable « ruée vers l'or », ou plutôt vers les immenses ressources de la région. Selon les scientifiques de l'USGS, United States Geological Survey- organisme national de surveillance géologique des Etats-Unis - les sources hydrothermales sousmarines de l'océan Arctique peuvent être à l'origine de dépôts de métaux - or, argent et cuivre notamment, ainsi que de diamants. L'exploitation minière sousmarine étant encore balbutiante, ces trésors ne seront pas accessibles rapidement.

D'autre part, les 14 millions de kilomètres carrés de l'océan Arctique abriteraient également un quart des réserves du pétrole et du gaz naturel de la planète. Peuplée de quatre millions d'habitants, la zone est bien plus stable que le Moyen-Orient. Dès lors, la conjonction du réchauffement et de la hausse des prix du baril rend le pétrole de l'Arctique de plus en plus attractif. Une aubaine à saisir, mais qui pose de nombreuses questions. A qui appartiennent les richesses du pôle Nord ? Et qui contrôlera les nouvelles voies maritimes ? Les controverses sur les frontières ont déjà commencé. Car l'océan Arctique se trouve dans la situation géographique unique d'être encerclé par cinq pays : Canada, Danemark, Etats-Unis, Norvège et Russie. Or, selon la convention des Nations unies sur la mer, chaque pays peut revendiquer sa souveraineté sur un territoire maritime de 200 milles nautiques au-delà de ses côtes, appelé « zone économique exclusive ». Mais, en sous-sol, dans les profondeurs marines, les choses se compliquent. Exemple: si un bassin pétrolifère va au-delà des 200 milles, et se retrouve donc à cheval entre deux pays, à qui appartient-il ? Les litiges de ce type sont légion. Le Canada revendique la souveraineté sur le fameux « passage du Nord-Ouest », parce qu'il le considère comme une extension naturelle de son territoire, ce que contestent les Etats-Unis ; la Norvège et la Russie se disputent la mer de Barents, qui recèlerait des réserves de gaz naturel équivalentes à deux fois celles du Canada. Ce dernier est en bisbille avec le Danemark à propos de la petite île Hans, un gros caillou de 100 mètres de long, situé sur le détroit de Nares, dont l'utilisation comme route maritime constitue le véritable enjeu de la querelle. Le Parlement russe refuse de ratifier un accord signé en 1990 avec les Etats-Unis sur le partage de la mer de Béring. Enfin le Danemark tente de doubler tout le monde en réclamant tout bonnement la propriété du pôle Nord.

La géologie est convoquée dans cette discussion multilatérale. Elle joue un rôle crucial pour étayer ou contredire les revendications territoriales. D'où une série de programmes de recherche nationaux qui, selon la revue américaine « Science » (16 mars 2007), «ont déclenché quelques méchantes querelles, alors que l'argent qui afflue à l'occasion de l'année polaire internationale pourrait au contraire renforcer la coopération entre pays». A voir. Pour l'instant, la discussion fait rage. Les Etats-Unis, qui n'ont pas ratifié la convention des Nations unies, ont entrepris de faire leur propre cartographie depuis 2003. Ils espèrent gagner quelque 600 000 kilomètres carrés de fonds océaniques, d'une valeur de 650 milliards de dollars si les estimations pétrolières se révèlent exactes. De son côté, pour faire valoir ses arguments, le Danemark a accepté de mettre un mouchoir sur son litige avec le Canada. Les deux pays se sont associés pour monter un programme de recherche géologique - 80 millions de dollars - destiné à étudier le plancher océanique dans une zone au nord du Groenland. But du jeu : prouver que la crête de Lomonossov, une chaîne de montagne sous-marine de 1 800 kilomètres de long qui part de la plaque continentale sibérienne, traverse le pôle Nord et va jusqu'au Groenland, est en fait une extension de ce dernier. Si son point de vue était adopté, le Danemark gagnerait une étendue sous-marine de 180 000 kilomètres carrés, quatre fois sa surface ! L'enjeu est tel que les résultats des recherches sont pour l'instant tenus secrets...

Pour les Russes, il est clair que la zone leur appartient jusqu'au pôle Nord. Leurs arguments scientifiques ? Ils prétendent annexer la plus grande partie du bassin arctique au nom d'une théorie scientifique inédite : l'ensemble du plancher de l'océan Arctique serait à l'origine un morceau de croûte continentale initialement rattaché à ce qui est aujourd'hui l'est du territoire russe, qui se serait « écroulé » en bloc et aurait été recouvert par l'océan. Inutile de dire que ce scénario de « tectonique verticale » est jugé fantaisiste par tous les chercheurs non russes...

Sans attendre l'issue de ces disputes géologiques, les Etats-Unis, la Norvège et la Russie sont engagés dans des négociations serrées sur la future exploitation du pétrole et du gaz arctiques. Et toutes les grandes compagnies pétrolières cherchent à obtenir l'autorisation d'explorer la mer de Barents. L'Institut polaire norvégien a même été contacté par plusieurs sociétés en vue d'effectuer des forages dans les glaces au nord du Spitzberg.

Les entrepreneurs intéressés au transport maritime ne sont pas en reste. Un armateur finlandais, Aker Finnyards, s'est lancé dans la construction de gros bateaux résistants à la glace. La Russie en a acheté un et a acquis la licence pour en construire d'autres. De son côté, Pat Broe a dépensé 50 millions de dollars pour moderniser le port de Churchill, et les cargos ont commencé à acheminer des marchandises vers l'Europe et l'Afrique du Nord.

La ruée vers le pôle semble irrésistible et menace incontestablement l'intégrité de l'environnement unique de l'Arctique. L'exploitation des hydrocarbures de la mer de Barents a peu de chances d'atténuer l'effet de serre, déjà responsable de la fonte des glaces. Les ours blancs ont du souci à se faire.

Michel de Pracontal

Le Nouvel Observateur

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