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L’année sans été 1816

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« L’été de cette année est peut être l’un des plus pourris de tous les temps, il se termine avec un déficit de plus de 3°C par rapport aux normales ! En Belgique, il est l’été l’un des plus froids jamais enregistré. En réalité, c’est même toute l’année 1816 qui aura été ratée : un hiver humide et doux, un printemps très froid et un été carrément automnal, avec même des jours de gelées ! La cause est sans doute l’énorme éruption du mont Tambora en Indonésie, qui rejeta des centaines de millions de mètres cubes de cendres, de gaz et de magma dans l’atmosphère. Ce cocktail éruptif envoyé dans la haute atmosphère diminua la luminosité du soleil pendant plusieurs années. » (Hubert Maldague sur MB)

D’autres sources parlent encore de chutes de neige à Bruxelles en début juin, début juillet et fin août.

C’est en juin 1816 que Mary Shelley écrivit Frankenstein, dans une ambiance glauque qui correspond exactement au climat froid, humide et sombre qui règnait en Suisse cette année-là.

En outre, on parle aussi de récoltes dévastées et de famines.

Que nous en disent les chiffres ?

À Bruxelles, dans ces années-là, les températures ont été successivement mesurées par le Baron de Poederlé, l’Abbé Mann et Monsieur Kickx, père. Ces données ont été homogénéisées par la suite par ECA&D.

Un cross-check de ces données me permet d’affirmer que ces températures ne sont absolument pas fantaisistes, même s’il est impossible de les reconstituer vraiment au degré près. Mais si l’on prend une marge de tolérance de 1 à 1,5°C, ces températures me paraissent tout à fait fiables.

Qu’est ce que cela donne donc pour l’été 1816 ?

Pour Bruxelles, la moyenne des minima et des maxima a été de 8,4°C/17,4°C en juin, de 10,3°C/19,3°C en juillet et de 10,0°C/18,7°C en août. C’est froid, mais moins extrême que l’on croyait. Cet été pourrait être comparé avec l’été pourri de 1956, où ces valeurs ont été, respectivement, de 9,5°C/16,3°C, 13,5°C/21,0°C et 11,1°C/18,5°C (ramené à l’abri fermé). Ce qui est frappant, par contre, c’est la constance du froid au cours des 3 mois de l’été 1816, alors qu’en 1956, au moins un mois a été plus ou moins potable. C’est vrai aussi pour les autres étés pourris du 20e siècle, où soit juin, soit juillet, soit août a été un peu moins mauvais. À partir des années 1990, les étés « pourris » ne comportaient plus qu’un mois vraiment mauvais (juillet 2000, août 2006).

Du point de vue des extrêmes, on observe en juin 1816 un minimum de 4,7°C le 6, tandis que le maximum le plus bas a été de 10,6°C le 9. Cette dernière valeur peut être considérée comme extrêmement basse pour un mois de juin, toutefois les chutes de neiges, décrites dans certains témoignages, me semblent exclues. C’est encore plus vrai en juillet et en août, où aucune valeur proche du gel n’a été observée (minimum absolu de 8,7°C en juillet et de 8,3°C en août). Ce qui frappe, par contre, c’est la quantité de maxima inférieurs à 15°C en juin (10 jours). En juillet et en août, les maxima oscillent presque constamment entre 15 et 20°C. En outre, seuls deux jours d’été ont été observés au cours de l’ensemble des 3 mois. En tenant compte des aléas des anciennes mesures, il est possible qu’il y ait un 3e jour d’été quelque part (valeur brute entre 24 et 25°C qui pourrait donner 25°C actuellement), mais certainement pas plus.

Le 21 juillet (pas encore fête nationale dans une Belgique qui n’existait pas) a été le jour le plus chaud avec 26,5°C.

Et qu’en est-il du temps qu’il faisait ? Hélas pour Bruxelles, il n’existe aucune observation attestée d’autres paramètres, par contre des observations assez précises existent pour Haarlem aux Pays-Bas. Elles permettent de se faire une bonne idée du temps qui faisait.

Du 1 au 11 juin, on a observé des courants polaires maritimes de nord-ouest, attestés par la direction prédominante du vent, les températures et le type de temps, souvent nuageux avec tantôt de la pluie continue, tantôt des averses, beaucoup de vent, des vents de tempête le 4 juin et de la grêle le 6 juin. En outre, il a fait particulièrement froid du 7 au 9 juin avec des maxima de 11°C environ et un temps généralement couvert et parfois pluvieux.

Après un bref épisode de beau temps par vent d’est, les courants polaires maritimes nous reviennent jusqu’à la fin du mois, un rien moins froids mais toujours avec un cortège de nuages, de vent et parfois de pluie.

Le mois de juillet apparaît comme un mois particulièrement pluvieux avec des courants zonaux et, parfois, une dépression qui passe au sud de nos régions, avec temporairement une petite composante est dans le vent et toujours beaucoup de pluie.

Le bref épisode chaud des 20 et 21 juillet n’est même pas lié à du beau temps, mais à du temps nuageux et venteux, avec un vent tournant du sud-est au sud-ouest.

À la fin du mois, on observe une nouvelle invasion marquée de courants maritimes d’origine polaire.

Le mois d’août se caractérise par des courants prédominants de sud-ouest pendant la première moitié, et de nord-ouest durant la deuxième moitié. Cela se remarque par ailleurs aux températures maximales de Bruxelles, d’abord comprises entre 17 et 24°C, puis comprises entre 15 et 20°C. Durant tout ce mois, pas une seule belle journée à part entière n’est attestée. Il pleut très souvent, on observe beaucoup de vent, avec même une tempête le 17.

Cela revient à dire que l’été a été réellement complètement pourri. Il ressemble très fort à l’été 1956, comme l’attestent également les séries homogénéisées de De Bilt. Les moyennes ramenées à cette station sont de 12,4°C en juin, 15,3°C en juillet et 14,5°C en août. C’est environ 2°C en-dessous des normes saisonnières. Les 3 mois réunis font 14,1°C. En 1956, cette moyenne a été de 14,4°C. Quelques étés ont été encore plus froids que 1816, comme 1725 et 1805.

Ceci revient à dire que l’année 1816 mérite bien son nom d’année sans été. Toutefois les phénomènes de gel et de neige en plaine sont une légende, en Europe tout au moins.

Cumulonimbus

Sources : KNMI, ECA&D, IRM, littérature scientifique A. Quételet, MétéoBelgique (Hubert Maldague)

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