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Début avril 2024 : des vents atlantiques aux vents sahariens

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SANS TRANSITION : D’UNE CIRCULATION ATLANTIQUE À UNE CIRCULATION SAHARIENNE

 

L’arrivée de l’air chaud, en ce 6 avril 2024, a été très brusque, mais parfaitement prévue depuis plusieurs jours. Le timing y est, et aussi la précision des températures, au degré près. Chapeau pour les prévisionnistes.

 

Pour le simple observateur du ciel par contre, rien n’annonçait ce revirement du temps. Le 4 avril, nous étions encore en plein dans l’air maritime, avec humidité, pluies et températures proches des normes saisonnières. Revenons sur la météo qui a dominé les 4, 5 et 6 avril 2024.

 

 

4 avril 2024

 

Depuis la veille déjà, les dépressions se succèdent sur l’Océan, et abordent l’Europe en remontant vers le nord-est, en passant par l’Angleterre et en se dirigeant vers le sud de la Norvège via la Mer du Nord. En ce 4 avril, une petite dépression est justement en train de traverser la Mer du Nord avec un système frontal qui s’éloigne vers le Danemark et la Pologne, tandis qu’un autre système frontal, à secteur chaud assez ouvert et associé à une autre dépression, traverse notre pays en fin de nuit et le matin. Ensuite nous nous retrouvons dans de l’air post-frontal, mais jamais très loin des fronts.

 

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Source : KMNI

 

 

Le matin commence sous un ciel sombre et une pluie qui tombe dru. Le nimbostratus fait ensuite place à des stratocumulus en rouleaux, assez tourmentés avant de se transformer en cumulus et en cumulonimbus.

 

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Stratocumulus dans le ciel de Braine-l’Alleud à 10 heures

 

 

Les averses sont parfois fortes et s’accompagnent de l’un ou l’autre coup de tonnerre. Les précipitations, par endroit, dépassent 10 mm pour même atteindre 32,8 mm à Gosselies et 23,3 mm à Stree (Huy). Le vent est de la partie aussi, avec des rafales jusqu’à 80 km/h sur l’ouest du pays l’après-midi.

 

Les températures sont douces le matin dans le secteur chaud, avec 12°C en plaine et 8 à 9°C sur les hauteurs, mais n’appellent pas de commentaires particuliers en journée, avec des maxima se situant le plus souvent entre 15 et 16°C en plaine et entre 10 et 11°C sur les hauteurs.

 

 

En soirée, d’épais cirrus annoncent déjà la perturbation suivante, associé à la dépression « Olivia », loin au large de l’Irlande et qui prendra un autre chemin que les dépressions précédentes.

 

 

5 avril 2024

 

La dépression « Olivia » remonte vers le nord-est en restant au large des Îles Britanniques. Elle est suivie par une autre dépression, du nom de « Kathleen », par laquelle elle se fait rattraper et absorber pour finir.

 

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Source : KMNI

 

 

 

En matinée, notre pays se retrouve à nouveau dans un secteur chaud tandis que l’après-midi, l’air post-frontal ne concerne que les basses couches, tellement que le front reste proche. Il en résulte un ciel voilé de cirrostratus à tendance altostratus avec bancs d’altocumulus, suivi de stratocumulus évoluant en cumulus ballonnant quelque peu, mais rapidement arrêtés par l’air plus chaud persistant en altitude. Le voile de cirrostratus accompagnés d’altocumulus ne s’effiloche que très temporairement vers la mi-journée. Il en tombe encore quelques précipitations, mais généralement inférieures à 1 mm.

 

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Cumulus atteignant temporairement le stade mediocris sous un voile de cirrus / cirrostratus dans le ciel de Braine-l’Alleud à 16 heures

 

 

Au littoral, les éclaircies – quoique temporaires aussi – sont plus franches avec un ciel bien bleu une partie de l’après-midi.

 

L’air, bien qu’encore maritime, est déjà nettement plus doux avec des maxima de 18 à 19°C en plaine et de 13 à 14°C sur les hauteurs. Le vent, quant à lui, est toujours bien présent, avec des rafales souvent supérieures à 50 km/h, et parfois supérieures à 60 km/h.

 

 

6 avril 2024

 

La dépression « Kathleen », fort profonde, se trouve avec un noyau un peu inférieur à 960 hPa à l’ouest de l’Irlande le matin. Elle remonte vers le nord et se trouve le soir, avec une pression inférieure à 955 hPa, au nord-ouest de l’Irlande. Cette dépression, associée à des hautes pressions sur l’Italie et les Balkans, nous envoie une bouffée d’air tropical direct d’origine saharienne, avec des vents parfois soutenus et des rafales dépassant les 50 et parfois les 60 km/h, voire même les 70 km/h sur l’ouest du pays.

 

En raison de poussières sahariennes présentes surtout entre 5500 et 6500 mètres d’altitude, le ciel n’est cependant pas vraiment clair.

 

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Source : KNMI

 

 

Ce voile à la fois poussiéreux et nuageux empêche les températures de pulvériser les records pour une première décade d’avril (ce qui a d’ailleurs été bien intégré dans les prévisions aussi). Mais avec des valeurs de 23 à 25°C en plaine (21°C au littoral) et de 20 à 21°C sur les hauteurs, on est cependant très près de ces records. À Uccle, avec 24,1°C, on reste juste en deçà du record de 24,3°C du 4 avril 1985, record qui avait égalé le record précédent de 1946.

 

Ici et là, des records sont quand même (légèrement) battus, comme par exemple à Florennes avec 23,8°C (précédent record : 23,0°C le 2 avril 2011) ou égalés comme par exemple à Beauvechain avec 24,2°C (24,2°C aussi le 8 avril 2020). Il faut savoir que l’écart entre les records de la première décade d’avril se tient dans un mouchoir de poche. Des températures très similaires ont été observées les 3 et 4 avril 1946, le 9 avril 1969, le 4 avril 1985, le 10 avril 2009, les 2 et 6 avril 2011, le 9 avril 2017, le 8 avril 2018 et le 8 avril 2020.

 

Ci-dessous, la liste des températures du 6 avril 2024 (entre parenthèses, les records et la longueur de la série climatologique)

 

Dunkerque (FR) : 21,2°C (record : 22,4°C les 06/04/1961 et 02/04/2011, série [utilisée] depuis 1953)

Middelkerke : 21,1°C (record : 22,0°C le 09/04/2017, série disponible depuis 1973)

Munte / Semmerzake : 22,8°C (record : 23,2°C le 06/04/2011 – série disponible depuis 1973)

 

Lille (FR) : 22,7°C (record : 24,9°C le 08/04/2020, série [utilisée] depuis 1953)

Gosselies : 23,3°C (record : 24,9°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1984)

 

Uccle : 24,1°C (record : 24,3°C le 04/04/1985, série disponible depuis 1968)

Zaventem : 23,8°C (record : 23,9°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1984)

Beauvechain : 24,2°C (record : 24,2°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1953)

 

Sint-Katelijne-Waver : 24,9°C (précédent record : 24,3°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1983)

Deurne :  24,3°C (record : 25,0°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1953)

Stabroek : 23,7°C (record : 24,7°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1976)
 

Koersel : 25,4°C (record : 26,2°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1983)

Kleine Brogel : 25,4°C (record : 26,6°C le 10/04/2009, série disponible depuis 1953)

Maastricht (NL) : 24,4°C (record : 24,6°C les 10/04/2009 et 08/04/2020, série [utilisée] depuis 1953)

 

Bierset : 24,4°C (précédent record : 24,0°C le 09/04/1969, série disponible depuis 1953)

Spa : 22,0°C (record : 22,0°C le 08/04/2020, série disponible depuis 1982)

Mont-Rigi : 20,3°C (record : 21,2°C le 10/04/2009, série disponible depuis 1953)

Elsenborn : 21,0°C (record : 22,5°C le 10/04/2009, série disponible depuis 1987)

 

Florennes : 23,8°C (précédent record : 23,0°C le 02/04/2011, série disponible depuis 1976)

Hastière : 25,8°C (25,3°C le 08/08/2018, série incomplète débutant en 1977)
 

Saint-Hubert : 20,5°C (record : 20,7°C le 06/04/1961, série disponible depuis 1953)

Luxembourg-Findel (LU) : 24,1°C (précédent record : 23,4°C les 06/04/1961, série [utilisée] depuis 1953)

 

 

Dans nos pays voisins, c'est parfois une tout autre histoire, avec des records littéralement pulvérisés. La température est montée jusqu’à 29,0°C à Colmar et à Strasbourg (FR) , et 27,3°C à Stuttgart (DE). On note aussi 28,8°C à Innsbruck (AT), tout comme à Bâle (CH).

 

Le temps est resté fort voilé sur la Belgique avec d’épais cirrus spissatus évoluant parfois en cirrostratus ou en altostratus translucidus. Ces nuages se sont mêlés à une petite grisaille générale liée à la couche de sable du Sahara, dont les grains ont joué à leur tour le rôle de noyaux de condensation, favorisant en retour la persistance de ces cirrus / cirrostratus / altostratus. Quelques éclaircies plus marquées étaient présentes le matin, et parfois toute la matinée comme au-dessus de l’Ardenne.

 

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Ciel voilé et poussiéreux au-dessus d’Uccle vers 18h30

 

 

À noter que sur l’est de la France, même si des cirrus et une petite tendance poussiéreuse étaient présentes aussi, le meilleur ensoleillement a permis aux températures d’être aussi exceptionnelles.

 

 

7 avril 2024

 

Lent retour vers une situation (un peu) plus normale.

 

Mais d’abord, les records qu’on n’a souvent pas eus pour la journée du 6 avril, on les a pour la nuit du 6 au 7 avril. Par endroit, la température nocturne n’est même pas descendue en dessous de 15°C, comme par exemple à Kleine Brogel, Koersel, Sint-Katelijne-Waver et La Hestre. C’est tout à fait exceptionnel pour un début d’avril. Pour certaines stations, nous disposons d’observations synoptiques (reprenant le minimum de la nuit entre 20h la veille et 8h) depuis 1982. À Kleine Brogel, la température n’est pas descendue en dessous de 15,7°C, ce qui pulvérise le précédent record d’une 1re décade d’avril, qui était de 13,5°C le 5 avril 1985.

 

D’autres stations ont également établi un record :

Uccle : 14,3°C (précédent record : 13,3°C les 2 avril 2004 et 7 avril 2014)

Zaventem : 14,0°C (précédent record : 12,6°C le 2 avril 2004)

Bierset : 14,0°C (précédent record : 13,1°C le 2 avril 2004)

Spa (aérodrome) : 12,8°C (précédent record : 12,5°C le 7 avril 2011)

 

Florennes, avec 13,3°C, est reste un peu en deçà du record de 13,7°C, établi le 7 avril 2011.

 

 

Le passage d’un front froid  a nettoyé l’air du sable saharien sur l’ouest du pays pendant que le sable s’est plutôt maintenu sur l’est, où le front s’était arrêté avant de revenir sous forme de front chaud.

 

C’est donc au littoral que le ciel  resté le plus bleu, avec de rares cirrus et quelques cumulus humilis. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que le ciel s’est voilé de cirrostratus et altostratus, avec des bancs de stratocumulus.

 

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Au centre du pays, le ciel était bien nettoyé en matinée aussi, avec quelques cirrus et des cumulus humilis, mais le ciel s’est progressivement couvert de cirrostratus et d’altostratus l’après-midi, avec altocumulus et stratocumulus. Sur le centre-sud et le centre-est, les éclaircies de la matinée étaient déjà bien moins développées.

 

Sur la partie sud-est et sud du pays, le ciel est resté sablonneux et voilé toute la journée, avec essentiellement des cirrostratus doublés d’altocumulus et de stratocumulus, tandis que quelques cumulus ont pu se former dans la mince couche d’air post-frontal arrivée jusque là.

 

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Webcam MB – Beausaint – 7 avril 2024 à 16h

 

Au nord-est et à l’est du pays, il y a surtout eu des cirrus épais et cirrostratus, avec bancs d’altocumulus et stratocumulus (parfois avec castellanus et même des formations lenticulaires), mais sans cumulus.  

 

C’est dans cette dernière région qu’il a fait le plus chaud. L’air post-frontal n’a pas vraiment réussi à y pénétrer et les températures ont atteint 22,0°C à Koersel et 21,6°C à Kleine Brogel, ce qui reste beaucoup pour un début avril. Dans l’extrême est de l’Ardenne, il a fait presque aussi chaud que la veille, avec 21,8°C à Gouvy (22,1°C le 6 avril). Das le restant du pays, l’air maritime post-frontal un peu plus frais a quelque peu fait baisser les températures, avec souvent des valeurs de 19 à 20°C.

 

La nuit suivante et le lendemain, la tendance maritime, plus humide et plus fraîche, s’affirme un peu plus, mais les températures sont encore bien au-dessus des normes saisonnières.

 

 

8 avril 2024

 

La très relative tendance maritime plus fraîche et plus humide est de bien courte durée. Le front froid, qui en fin de compte n’a jamais réussi à traverser le pays tout à fait et qui est donc resté traîner du côté de la Gaume, remonte en journée sous forme de front chaud et replace le pays entier dans des conditions presque estivales. Presque partout, les maxima se situent entre 20 et 22°C, maxima souvent atteints en début de soirée.

 

À ce moment, le front chaud est bien remonté vers le nord et notre pays se trouve en plein dans un large secteur chaud d’une nouvelle perturbation frontale associée à la dépression « Pierrick ». Des convergences pré-frontales se sont formées dans ce secteur chaud, comme on peut le voir sur la carte ci-dessous. Nous voilà dans une situation orageuse typiquement estivale bien avant l’heure.

 

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Source : KNMI

 

 

Mais revenons d’abord sur l’historique de la journée. La matinée se passe effectivement sous une fraîcheur toute relative, avec une dizaine de degrés et un ciel assez voilé de cirrus et cirrostratus. En dessous, les stratocumulus évoluent progressivement en cumulus. En partie tout au moins car localement, les stratocumulus restent nombreux avec une atmosphère temporairement très grise. Ici et là, on note même quelques petites précipitations. L’après-midi toutefois, le temps devient beau partout, avec parfois quelques cumulus restants, et des altocumulus dont certains sont de type castellanus, ce qui témoigne de l’instabilité de l’air.

 

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À ce moment, un orage de nature supercellulaire évolue du côté de Bethune, passe à l’ouest de Lille et entre en Belgique du côté de Comines-Warneton avec de nombreux éclairs.

 

Cet orage fusionne ensuite avec d’autres orages qui intéressent principalement la Flandre Occidentale et le Hainaut. Ils remontent ensuite vers le nord-est en s’affaiblissant. Les précipitations sont parfois intenses, mais de courte durée, si bien que les quantités totales ne sont pas très élevées, mais dépassent parfois 10 mm (13,8 mm à la Hestre). De fortes rafales sont également observées. Un peu au-delà de la frontière, l’anémomètre de Lille monte jusqu’à 87 km/h.

 

Les températures, après ces averses et orages, baissent assez fort. Cette fois-ci, c’est la bonne, on est vraiment dans l’air frais. Pour quelques jours tout au moins. En attendant, cela clôture l’épisode chaud qui vient d’être décrit.

 

 

Conclusion

 

On prend les mêmes et on se répète : les brusques remontées d’air subtropical, voire saharien, ont toujours existé, mais ce sont leur fréquence et leur intensité qui commencent à vraiment inquiéter.

 

En Allemagne, dans le Land de Bade Wurtemberg, on a même réussi à atteindre les 30°C un 6 avril, avec 30,1°C dans la région du Rhin, plus précisément à Ohlsbach, près d’Offenburg. Cela pulvérise même le record national allemand qui, pour une première décade d’avril, était de 27,7°C (7 avril 2011 à Rheinfelden). À la station même d’Ohlsbach, les 30,1°C ont littéralement balayé le précédent record, qui était de 27,0°C (8 avril 2018)

 

Autres records pulvérisés en Allemagne :

 

Freiburg : 29,8°C (précédent record : 27,8°C le 06/04/1961)

Emmendingen-Mundingen : 29,5°C (précédent record : 27,1°C le 07/04/2011)

Lahr : 28,8°C (précédent record : 26,7°C le 06/04/1961)

Stuttgart-Schnarrenberg : 27,3°C (précédent record : 25,3°C le 06/04/1961)

Munich centre : 27,1°C (précédent record : 25,2°C le 07/04/2011)

Munich aéroport : 26,7°C (précédent record : 24,8°C le 04/04/1953)

Münster-Osnabrück : 26,4°C (précédent record : 24,3°C le 08/04/2018)

 

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En France aussi, on trouve des records pulvérisés :

 

Bâle-Mulhouse : 29,9°C (précédent record : 26,7°C le 07/04/2011)

Colmar-Meyenheim : 29,0°C (précédent record : 26,8°C le 01/04/2021)

Strasbourg-Entzheim : 29,0°C (précédent record : 27,4°C les 06/04/1961 et 07/04/2011)

 

Cela se passe de commentaire…

 

 

 

Modifié par cumulonimbus
À présent complet.

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