Aller au contenu
Les Forums de MeteoBelgique
cumulonimbus

La canicule de 1911, la grande mystérieuse

Messages recommandés

LA CANICULE DE 1911, LA GRANDE MYSTÉRIEUSE

 

315msfo.jpg

 

1. Introduction

 

On n’entend plus parler souvent de la vague de chaleur de 1911. Pourtant, quand on regarde les graphiques de MétéoBelgique décrivant les  vagues de chaleur en Belgique depuis 1901, on voit que 1911 occupe une place d’honneur et rivalise avec sa sœur : 1976.

 

35arcbl.jpg

 

1zyubv5.jpg

 

Voir article complet sous : http://www.meteobelgique.be/article/articles-et-dossier/le-climat/2084-les-vagues-de-chaleur-en-belgique-depuis-1901.html

 

On peut vraiment parler de sœur tellement que les similitudes avec 1976 sont grandes. En premier lieu, tout comme en 1976, cette vague de chaleur a été accompagnée d’une grande sécheresse. En second lieu, c’est la longueur du temps estival qui est presque pareille à celle de 1976.

 

En 1976, on peut dire que le temps est resté très estival et très ensoleillé, presque sans interruption, entre le 6 juin et 26 août. En 1911, la fête a commencé le 5 juillet et s’est poursuivie jusqu’au 13 septembre. Les seules différences, donc, résident dans le fait que la chaleur de 1911 a été plus tardive et s’est étendue sur une période un brin moins longue. Nous verrons plus loin qu’il y aussi quelques autres petites différences. Mais parlons d’abord des ressemblances.

 

La plus flagrante réside certainement dans la situation atmosphérique. En 1911 comme en 1976, nous avons affaire à un anticyclone des Açores fort développé, qui envoie continuellement ses crêtes vers l’Europe, sous la forme de petits anticyclones qui finissent par se détacher en se dirigeant vers la Russie ou la Scandinavie.

 

Comme le mouvement de ces cellules est sud-ouest – nord-est, les arrivées d’air plus frais lors du remplacement des cellules (vent tournant temporairement au nord-ouest ou au nord) sont généralement brèves et peu marquées. En d’autres termes, le retour de la chaleur, même après une longue période chaude précédente, est généralement rapide.

 

Un autre point commun entre 1911 et 1976 est le fait que le côté extrême de la canicule n’apparaît pas vraiment dans les moyennes mensuelles. En effet dans les deux cas, le cœur de la canicule se trouve à cheval sur deux mois d’été. En plus de cela, même si la plupart des interruptions entre les périodes de canicules sont faibles voire imperceptibles, quelques brefs épisodes froids parviennent à s’imposer malgré tout et à littéralement « casser » les moyennes.

 

De 1976, on se souvient encore des jours très froids qui ont émaillé le début du mois de juin, avec un minimum de 4,6°C à Uccle le 5 juin et encore du gel à Dourbes (–0,1°C) et à Rochefort (–1,6°C). Ensuite, du temps fort frais s’est encore manifesté ponctuellement autour du 21 juillet et autour des 31 juillet et 1er août.

 

En 1911, une température minimale de 5,3°C a encore été observée le 4 juillet, l’une des valeurs les plus basses relevées en juillet à Uccle. En Ardenne pendant ce temps, on se rapprochait du gel avec des minima de 0 à 2°C. Cette nuit froide faisait d’ailleurs suite à une période généralement fraîche en début du mois, et l’une des seules où il est tombé un peu d’eau. Des coups de fraîcheur de moindre amplitude ont également été observés à la mi-juillet, à la mi-août et à la toute fin du mois d’août. Sinon, le temps chaud s’est à peine atténué lors de la relève d’un ancien noyau anticyclonique par un nouveau.

 

Jetons à présent un regard plus précis sur le déroulement de la chaleur de cet été 1911.

 

 

2. Étude comparative

 

Avant de procéder à une étude comparative des différents épisodes caniculaires en Belgique par rapport à celui de 1911, commençons d’abord par préciser la méthodologie utilisée.

 

Comme tout le monde le sait, les méthodes d’observation ont fort évolué au cours du temps. Si l’on peut considérer les thermomètres de 1911 comme déjà fiables, il n’en est pas autant pour les abris utilisés. En effet, en 1911, aucune norme n’était encore définie pour les abris et on peut affirmer en gros que trois types d’abris ont été utilisés sur le réseau thermométrique belge, ce qui a entraîné parfois des différences notables au niveau des enregistrements. Ces trois types d’abris sont les suivants :

 

-          L’abri fermé de type Stevenson

-          L’abri ouvert inspiré de l’abri du type « Montsouris » de Paris

-          Un petit abri  à double toit en zinc, monté sur un piquet

 

Le premier abri (fermé) est déjà fort proche des abris conformes utilisés au cours des années récentes. Les températures mesurées dans cet abri peuvent être reprises telles quelles car comparables aux données de nos jours.

 

Le second abri (ouvert) surestime les maxima et sous-estime légèrement les minima. Par chance, des observations simultanées avec les deux abris ont été pratiquées à Uccle pendant de longues années, ce qui a permis à l’IRM de développer un correctif pour rendre les données comparables aux données d’aujourd’hui. Un nouveau correctif, plus précis, a d’ailleurs été récemment mis au point par l’IRM. C’est ce correctif-là qui est utilisé dans le présent ouvrage pour homogénéiser les données.

 

Le troisième abri pose malheureusement de gros problèmes. Il s’agissait d’un abri très bon marché, dont on a largement sous-estimé l’absorption de la chaleur par le métal, malgré le fait qu’il ait été peint en blanc. Un seul exemple suffit pour démontrer les mesures aberrante dans ce type d’abri : le 28 juillet 1911, on note un maximum de 39,5°C à la station météo de Bruxelles Saint-Josse (actuel Botanique), alors que la température, même en milieu urbain, ne pouvait pas dépasser les 35°C ce jour-là en région bruxelloise. De ce fait, toutes les données provenant de ce type d’abri ont dû être éliminées de la présente analyse.

 

Un autre problème qui se pose, c’est la rareté des métadonnées à cette époque (alors que paradoxalement, on dispose de nettement plus de métadonnées au 19e siècle). En 1911 par contre, nous n’avons de renseignements précis sur le type d’abri que pour les stations d’Uccle et de Denée-Maredsous. Mais pour certaines stations, le problème a pu être résolu.

 

En effet, une analyse synchronique (comparaison de différentes stations à une même époque) et une analyse diachronique (comparaison d’une même station, ou d’une station proche à différentes époques) ont permis de déterminer le type d’abri utilisé avec une raisonnable certitude. C’est ainsi que pour Liège (relevés effectué à Cointe à cette époque-là), pour Spa (relevés effectués dans la ville de Spa, non à l’aérodrome actuel) et pour Arlon (relevés effectués un peu à l’est de la ville), il s’agit bien d’un abri fermé. Ces données sont donc immédiatement utilisables.

 

Pour Ostende (relevés faits à l’Orphelinat de Mariakerke), Furnes, Uccle, Maaseik et Arlon, il s’agit d’un abri ouvert. Ces données ont donc été homogénéisées avec le correctif utilisé par l’IRM. Les stations néerlandaises de Vlissingen et de Maastricht ont été récemment (2016) homogénéisées par les soins du KNMI. Ces données sont donc également comparables à celles d’aujourd’hui.

 

À présent que cet aspect des choses est éclairci, nous pouvons passer à l’étude comparative proprement dite.

 

En climatologie, pour comparer des phénomènes qui ont une certaine durée dans le temps, on utilise souvent des périodes de 30 jours. Bien sûr, lorsque cette période de 30 jours (avec phénomènes extrêmes) tombe pile poil dans un mois calendrier, cela pulvérise en général tous les records. Ce fut le cas en juillet 2006 et avril 2007 pour la chaleur, en février 1956 pour le froid ou encore en avril 2007 pour la sécheresse. Mais la période de 30 jours la plus pluvieuse du 20e siècle, avec 241,3 mm tombés à Uccle entre le 21 juin et 20 juillet 1980, n’apparaît que peu dans les statistiques mensuelles.

 

Il en est de même avec les épisodes de chaleur extrême de 1911 et 1976, qui n’apparaissent pas (ou peu) dans les statistiques mensuelles.

 

Alors, pour se faire une idée objective de l’intensité de la chaleur en 1911, nous allons comparer la période de 30 jours la plus chaude de cette année-là avec les périodes de 30 jours les plus chaudes d’autres années où l’été a été caniculaire.

 

Nous trouvons ainsi en tête la canicule de 1976, avec une moyenne de 23,2°C à Uccle entre le 21 juillet et le 20 juillet, immédiatement suivi par 2006 avec 23,1°C entre le 1er et le 30 juillet (avec là une moyenne mensuelle de 23,0°C pour le mois complet).

 

Et en troisième position arrive déjà… 1911 ! Entre le 19 juillet et le 17 août, la moyenne s’est établie à 22,4°C. 1911 est suivi par 2003 (22,2°C entre le 15 juillet et le 13 août) et par 1994 (21,8°C entre le 2 et le 31 juillet). En 1994 aussi, la période tombe pile poil dans un mois calendrier. Il n’est donc pas étonnant que l’ensemble du mois de juillet 1994 constitue le deuxième juillet le plus chaud de l’histoire belge.

 

Les années 1921, 1947, 1983, 1995, 1997 et 2010 ont également connu des périodes de 30 jours fort chaudes au sein de leur été, mais avec des températures de plus de 1°C inférieures à 1911 et, a fortiori, à 1976 et 2006.

 

Depuis le début des observations à Uccle (juillet 1886), seules 3 périodes de trente jours ont présenté un maximum moyen supérieur à 28°C, ce qui est énorme pour notre climat maritime bien belge. Il s’agit de :

 

1976 (21/06 au 20/07) avec 29,2°C

2006 (01/07 au 30/07) avec 28,7°C

1911 (19/07 au 17/08) avec 28,5°C

 

Rappelons que de tels maxima moyens sont dignes du climat de Milan en Italie.

 

Pour les autres stations du réseau belge, nous ne disposons pas de moyennes réelles de la température, seulement des valeurs médianes entre le minimum et le maximum. Toutefois, lorsque les minima et maxima sont relevés à 8 heures du matin (ce qui est le cas), la différence entre la médiane et la moyenne réelle est nulle ou faible, et ne dépasse généralement pas 0,3°C. Nous pouvons donc reprendre ces valeurs pour l’étude des autres stations du réseau belge (de l’époque).

 

Nous avons donc, toujours pour la période de 30 jours entre le 19/07 et le 17/08/1911, les résultats suivants :

 

 

Localité ......... Min moy ... Max moy ... Médiane 

 

Ostende .......... 16,0°C .... 25,2°C .... 20,6°C

Furnes ........... 15,3°C .... 26,7°C .... 21,0°C

Vlissingen (NL) .. 17,5°C .... 26,7°C .... 22,1°C

Uccle ............ 16,1°C .... 28,5°C .... 22,3°C 

Maaseik .......... 15,2°C .... 29,9°C .... 22,4°C

Maastricht (NL) .. 15,0°C .... 29,0°C .... 22,0°C

Liège Cointe ..... 16,5°C .... 29,1°C .... 22,8°C

Spa (ville) ...... 14,5°C .... 28,1°C .... 21,3°C

Arlon ............ 15,8°C .... 28,9°C .... 22,9°C

 

 

Quelques stations peuvent même encore être comparées avec les données actuelles. C’est le cas par exemple pour Ostende. La station de l’époque se trouvait à l’Orphelinat Saint-Vincent Ferrer à Ostende-Mariakerke, à moins de 2 kilomètres à vol d’oiseau de l’actuelle station de Middelkerke et à la même distance (à peu de choses près) de la mer que celle-ci.

 

En ce qui concerne Maaseik, nous avons à l’heure actuelle une station fort proche à Meeuwen. Il faudra cependant tenir compte, lors de la comparaison, d’une légère différence d’altitude. La station de Maaseik, plus proche de la Meuse, se trouve à une altitude de 33 mètres tandis que Meeuwen se trouve à quelques 70 mètres au-dessus du niveau de la mer.

 

Enfin pour Arlon, l’ancienne station se trouvait à quelques 2 kilomètres à l’est de la station plus récente, avec une différence d’altitude négligeable (416 mètres pour 400 mètres).

 

Ci-dessous, la comparaison des 30 jours les plus chauds en 1911, 2003 et 2006 pour les trois stations précitées (+ 1976 pour Arlon).

 

 

 

Mariakerke/Middelkerke ... Min moy ... Max moy ... Médiane 

 

19/07/1911 – 17/08/1911 .. 16,0°C .... 25,2°C .... 20,6°C

15/07/2003 – 13/08/2003 .. 14,7°C .... 24,7°C .... 19,7°C

01/07/2006 – 30/07/2006 .. 16,0°C .... 25,1°C .... 20,6°C

 

Maaseik/Meeuwen .......... Min moy ... Max moy ... Médiane 

 

19/07/1911 – 17/08/1911 .. 15,2°C .... 29,9°C .... 22,4°C

15/07/2003 – 13/08/2003 .. 15,0°C .... 29,3°C .... 22,2°C

01/07/2006 – 30/07/2006 .. 15,9°C .... 29,7°C .... 22,8°C

 

Arlon .................... Min moy ... Max moy ... Médiane 

 

19/07/1911 – 17/08/1911 .. 15,8°C .... 28,9°C .... 22,8°C

21/06/1976 – 20/07/1976 .. 16,8°C .... 29,7°C .... 23,3°C

15/07/2003 – 13/08/2003 .. 16,1°C .... 28,9°C .... 22,5°C

01/07/2006 – 30/07/2006 .. 16,7°C .... 28,6°C .... 22,8°C

 

 

En tenant compte des aléas liés à l’homogénéisation des données et au déplacement de ces trois stations, on peut affirmer que la canicule de 1911 et 2006 sont à considérer comme équivalentes (sur 30 jours), tandis que celle de 2003 est un fifrelin moins intense. Nous n’avons malheureusement pas de données comparables pour 1976, sauf pour Arlon où cet été-là, manifestement, a la primeur sur tous les autres.

 

N.B. : la France, frappée de plein fouet par la canicule de 2003, a connu les valeurs de loin les plus élevées au cours de cet été-là.

 

 

3. Analyse détaillée de l’été 1911

 

Au vu de la grande sécheresse de l’été 1911 (à Uccle, il n’est tombé que 3,6 mm d’eau entre le 4 juillet et le 19 août), nous allons étudier l’été 1911 surtout par rapport à celui de 1976, et moins par rapport à celui de 2003 ou d’une autre année caniculaire.  En dépit des ressemblances entre 1911 et 1976, on notera quelques différences aussi.

 

La canicule de 1976 a notamment été précédée d’une grande sécheresse qui sévissait déjà à la fin de l’hiver et au printemps. Avec 69 mm d’eau sur les trois mois, le printemps 1976 a été le plus sec du siècle et le deuxième plus sec dans l’absolu, après les 37,6 mm d’eau seulement tombé en 1893. Mais 1893 ne connaîtra pas ni canicule, ni sécheresse en été. La canicule de 1976 par contre, dans ce contexte déjà sec, générera les conditions parmi les pires du siècle pour l’agriculture et l’approvisionnement en eau. Et bon nombre  de perturbations atmosphériques qui essayaient encore de pénétrer en Europe occidentale se desséchaient littéralement au-dessus de nos terres surchauffées sans donner la moindre goutte d’eau, juste quelques nuages d’instabilité de couches moyennes.

 

En 1911, même si une petite tendance sèche préexistait, le mois de juin perturbé et frais, avec de très nombreuses averses, aura des répercussions sur la chaleur de l’été, notamment en début de période, en permettant la formation de quelques orages grâce à l’humidité résiduelle.

 

Ces orages gardent cependant un caractère très localisé, ce qui fait que, petit à petit, la sécheresse s’installe aussi en 1911.

 

Avec des insolations dépassant largement les 300 heures en juillet, le manque d’eau devient affolant dans les zones épargnées par les orages. Notamment le centre et le centre-ouest du pays connaissent des cotes udométriques inférieures à 5 mm pour tout le mois.

 

En août, rien ne s’arrange, les orages tendant même à disparaître avec une sécheresse qui prend de l’ampleur. Cette fois-ci, c’est le nord de la Campine qui est particulièrement touché, avec 2 mm d’eau seulement sur tout le mois. Et non seulement les pluies se font rares, mais aussi l’humidité de l’air : certains jours, celle-ci tombe en dessous des 20%, valeur rarement atteinte en Belgique.

 

La première moitié de septembre reste particulièrement sèche avec là, des taux d’humidité qui descendent même en dessous des 15%.

 

Nous allons à présent analyser le cœur de la vague de chaleur, c’est-à-dire cette fameuse période de 30 jours du 19 juillet au 17 août qui, comme décrit ci-dessus, fait partie des périodes les plus chaudes jamais enregistrées en Belgique.

 

 

19 au 22 juillet 1911

 

Après deux bouffées de chaleur, encore assez modestes, qui se sont produite plus tôt dans le mois, la chaleur nous revient dès le 19 et, cette fois-ci, sous une forme beaucoup plus intense. En effet, dès le premier jour, les températures atteignent déjà les 26-27°C un peu partout tandis qu’au cours du second jour, les 30°C sont dépassés en de nombreux endroits, avec par exemple 31,6°C à Maaseik. Cette phase de la chaleur s’accompagne de vents de sud-ouest encore quelque peu humides et des passages nuageux.

 

Le 21 juillet, un vaste anticyclone s’installe au-dessus de nos régions avec un air qui se met à stagner sur le continent en se desséchant et en se réchauffant encore davantage. Les températures atteignent désormais 30°C même au littoral, tandis qu’à l’est, le thermomètre affiche 34°C. Quelques valeurs : Ostende = 31,8°C ; Uccle = 32,4°C ; Liège = 34,1°C.

 

Le 22 juillet, la cellule anticyclonique se détache et se dirige vers l’Europe orientale tandis qu’une nouvelle cellule se prépare déjà sur l’Atlantique. L’ancienne cellule nous envoie des courants de sud-est particulièrement secs. La nouvelle cellule nous envoie des courants d’ouest plus humides et un peu moins chauds. Ces courants, en combinaison avec la brise de mer, affectent rapidement le littoral, puis se propagent lentement sur l’intérieur des terres.

 

Comme les eaux de la Mer du Nord sont encore froides, la côte belge connaît une véritable fraîcheur avec 20,3°C. Sinon, la chaleur est à peine atténuée avec 30,8°C à Uccle. À l’est du pays par contre, où l’air reste continental, la chaleur s’accentue encore par rapport à la veille, avec 35,0°C à Maaseik et 35,2°C à Liège, tandis qu’à Arlon, il fait 34,2°C et à Denée-Maredsous, 34,9°C.

 

L’air (un peu) plus frais finit par atteindre l’est du pays en soirée, avec un peu d’activité orageuse sur l’est de la Campine.

 

 

23 au 25 juillet 2011

 

Le nouvel anticyclone nous envoie de faibles vents du nord, qui viennent se perdre dans le marais barométrique qui règne à présent sur le continent. En outre, une petite baisse de pression en altitude est favorable à une modeste activité orageuse.

 

Le rafraîchissement lié aux vents du nord n’est vraiment perceptible qu’au littoral. Ailleurs, l’humidité rend l’air chaud particulièrement insupportable, malgré les quelques degrés perdus au thermomètre. Si le 23, on ne note « que » 25 à 27°C, les températures repartent à la hausse dès le lendemain dans l’air stagnant, pour rapidement à nouveau flirter avec les 30°C à l’est du pays. Quant au sud, il est  à peine touché par cet air maritime. À Arlon, on note respectivement 30,8°C, 27,4°C et 29,3°C pour les trois jours en question.

 

Des orages éclatent ici et là l’après-midi ou le soir. Le 23, on note un faible orage en Campine en début de soirée, tandis que des éclairs sont visibles, accompagnées de quelques coups de tonnerre, en Gaume en fin de soirée. Le 24 au soir on note quelques orages dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, ainsi qu’en Hesbaye et en Campine. Très localement, on enregistre de fortes précipitations au nord de la Province de Liège, mais aussi dans l’extrême sud du pays. Le 25 en après-midi, des orages grondent dans les Hautes-Fagnes, puis du côté de Bouillon, tandis que des coups de tonnerre lointains sont perçus jusqu’en moyenne Belgique. En soirée, d’autres orages éclatent sur le plateau des Tailles (Baraque de Fraiture).

 

Tous ces orages sont typiquement des orages de chaleur.

 

 

26 au 29 juillet 1911

 

Le nouvel anticyclone se décale à son tour vers l’est, replaçant notre pays dans de l’air extrêmement chaud avec des vents d’est à sud-est. L’humidité résiduelle permet cependant la formation de l’un ou l’autre orage, parfois très violent.

 

Dès le 26, les températures dépassent à nouveau les 30°C un peu partout dans le pays, y compris dans la zone côtière. On note dès lors trois jours de canicule consécutifs sur l’ouest du pays, et quatre jours de canicule consécutifs sur le centre et sur l’est (et six sur l’extrême sud). Le 27, on enregistre 30,1°C à Ostende, 33,5°C à Uccle, 35,7°C à Maaseik, 34,6°C à Liège, 33,4°C à Spa et 31,5°C à Arlon. Le 28, on note 33,4°C à Ostende et à Uccle, 34,3°C à Maaseik, 34,8°Cà Liège, 33,0°C à Spa et 32,2°C à Arlon.

 

Le 27 se caractérise par un soleil de plomb et un air qui reste longtemps chaud le soir. Le 28, le temps est plus venteux et chaud dès le matin, après un minimum qui n’est pas descendu en dessous de 22,2°C à Uccle. Dans l’est du pays, le temps est chahuté par une ligne orageuse assez virulente qui remonte du sud à une vitesse de quelques 50 km/h. Ces orages sont vus en premier sur la Gaume en début d’après-midi, puis sur la Hesbaye et le pays de Herve en milieu d’après-midi, tandis que l’est de la région d’Anvers en est affecté en fin d’après-midi. Ces orages sont accompagnés de fortes rafales et de grêlons ayant parfois la taille d’œufs de poule.

 

2a9codx.jpg

Annuaire météorologique de l’Observatoire Royal de Belgique

 

À noter que les heures de l’époque, en Belgique, correspondent aux heures GMT. Pour comparer avec les heures actuelles, il faut ajouter deux heures.

 

Comme on le voit sur l’image, ces orages ne touchent ni le centre, ni l’ouest du pays. Là, on ne note qu’une activité orageuse isolée. Bruxelles, complètement épargnée par les orages, reste chaude même en soirée, avec juste un vent soutenu mais agréable d’est-nord-est en soirée.

 

Le 29, les vents d’est à sud-est ramènent le temps estival sur nos régions, avec toutefois un peu d’humidité laissés par les orages de la veille. De ce fait, l’air est particulièrement étouffant sur l’est du pays, avec 31 à 33°C dans une atmosphère moite. Le centre du pays connaît 30°C tout juste tandis que la zone côtière renoue avec la brise de mer avec 24°C.

 

Dans la nuit du 29 au 30, le tonnerre gronde à Étalle, dans le sud du pays.

 

 

30 juillet au 3 août 1911

 

Un bon ancrage de l’anticyclone sur la Scandinavie ramène de l’air continental un peu moins chaud. Dans les basses couches, la situation est quelque peu confuse sur nos régions en raison de dépressions thermiques qui donnent des vents variables et parfois des infiltrations maritimes.

 

Malgré cela, les températures restent la plupart du temps supérieures à 25°C en journée et dépassent occasionnellement les 30°C sur le sud et l’est du pays.

 

Une certaine activité orageuse se maintient sur notre pays, mais en raison du caractère localisé, la sécheresse n’est pas interrompue dans la plupart des régions. On notera toutefois un exemplaire assez violent sur l’extrême ouest de la Belgique dans la nuit du 30 au 31 juillet. Cet orage, probablement de type MCS, remonte de la France et traverse la Flandre Occidentale du sud au nord. Cet orage est considéré comme exceptionnel par sa longue durée, sévissant durant 5 heures et 30 minutes. On observe de nombreux dégâts liés à la foudre ou au vent, tandis que les fortes pluies restent localisées.

 

Depuis le Hainaut Occidental, on ne voit plus que les éclairs au loin.

 

Un autre exemplaire violent touche la Gaume le 1er août avec des précipitations de 48 mm à Étalle et 69 mm à Tintigny. Malgré sa violence, il ne s’agit aussi que d’un phénomène localisé, lié aux hautes températures qui continuent à régner plus spécialement sur le sud du pays.

 

 

5 au 6 août 1911

 

Situation de marais barométrique avec faible flux de sud-ouest. Il s’agit des derniers jours un peu humides avant l’arrivée d’une extrême sécheresse. En présence d’une chaleur modérée, quelques orages éclatent encore dans la nuit du 5 au 6, d’abord dans la région gantoise, puis à la limite entre le Hainaut et la Flandre Orientale.

 

 

7 au 13 août 1911

 

C’est la canicule !

 

2h3vazl.jpg

Source : Daily Weather Reports, Meteorological Office

 

L’anticyclone des Açores, qui n’a jamais été très loin, développe rapidement une crête vers nos régions le 7. Le 8, une cellule anticyclonique s’en détache et se dirige lentement vers la Scandinavie. Les vents s’orientent à l’est et ramène depuis le continent déjà surchauffé un air de plus en plus chaud et de plus en plus sec.

 

Presque partout dans le pays débute une période de 7 jours consécutifs où le thermomètre dépasse allègrement les 30°C. Les 8 et 9 sont le point d’orgue de cette vague de chaleur, avec des températures frisant les 35°C à Maaseik et à Liège (Maaseik : 34,8°C les 8 et 9 ; Liège : 34,9°C le 8). À Uccle, les températures sont, respectivement, de 34,0 et de 33,9°C, avec les deux jours un taux d’humidité tombant en dessous des 20% l’après-midi.

 

Les journées suivantes sont à peine moins chaudes avec, par exemple, encore 33,7°C à Maaseik le 12.

 

Autre caractéristique de la période : les soirs qui restent très longtemps chauds. À Bruxelles en fin de soirée, les températures atteignent encore 25 à 27°C (27°C le soir du 9), avec parfois la petite ventilation d’un vent d’est, mais parfois aussi un air chaud stagnant, rendant la nuit insupportable pour le sommeil. Ce n’est qu’au petit matin, en raison de la grande sécheresse de l’air, que la température finit par descendre un peu. Les 20,8°C de température minimale de la nuit du 11 ou 12 restent cependant remarquables pour l’époque (et plus encore les 22,2°C de juillet, tout à fait inédits de ce temps-là).

 

Enfin le littoral ne bénéficie que partiellement de la fraîcheur maritime. Les 7, 8 et 11, le littoral partage avec l’intérieur des terres la canicule avec des températures supérieures à 30°C (32,5°C à Ostende le 11). Par contre, les 9 et 13, la brise de mer est bien développée avec 23-24°C.

 

 

14 au 16 août 1911

 

On respire enfin !

 

Le lent retrait des hautes pressions de la Scandinavie vers l’Océan place temporairement nos régions dans des courants septentrionaux avec, les 15 et 16, des vents assez soutenu.

 

Les températures maximales, sous un ciel souvent nuageux (probablement un mix de cumulus et de stratocumulus), sont en chute libre avec  des valeurs le plus souvent comprises entre 19 et 22°C. Avec le vent et après une si longue période de chaleur, la sensation de froid est certainement présente chez un bon nombre de personnes. Mais il ne pleut toujours pas. Tout au plus note-t-on un petit orage local à Visé le 14, et de petites pluies le 16, ne donnant qu’un petit millimètre d’eau à Uccle. Le premier petit millimètre d’eau, d’ailleurs, après 21 jours de sécheresse absolue à cette station.

 

 

17 août 1911

 

La chaleur revient déjà !

 

Sous la poussée de l’anticyclone des Açores, en position plus méridionale que le précédent anticyclone, l’air chaud nous revient avec à nouveau 27°C en bien des endroits.

 

 

La suite des événements

 

L’été n’est pas fini, loin de là. La chaleur reprend du poil de la bête, avec des températures souvent supérieures à 25°C, et parfois même supérieures à 30°C et ce, jusqu’au 12 septembre.

 

Dès le 19 août, la température frôle à nouveau les 30°C à Arlon. Le 27, les 30°C sont même dépassés en de nombreux endroit de l’est de la Belgique. Le 1er septembre, c’est  pratiquement tous les pays qui est au-dessus de 30°C, avec l’incroyable valeur (pour l’époque) de 33,1°C à Liège, tandis que Furnes, non loin de la mer, monte à 32,0°C (Uccle : 31,3°C). Le 2 septembre, c’est Arlon qui connaît 31,7°C. Et ce n’est toujours pas fini !

 

Le 6 septembre, Arlon atteint à nouveau 30°C. Le 7 septembre, une nouvelle fois encore, presque tout le pays dépasse 30°C. À Liège, avec 33,4°C, il fait même plus chaud que le 1er du mois. Furnes monte à 31,8°C et Uccle, à 31,0°C. Le 7, l’est du pays connaît un nouveau jour de Canicule avec 31,7°C à Arlon, 31,5°C à Spa et 30,2°C à Liège.

 

Le 11 septembre, Ostende atteint 30,0°C tandis que Liège monte à 31,0°C. Et pour clôturer, 29,0°C à Liège et à Maaseik le 12 tandis qu’Uccle, sous l’influence d’une nouvelle bulle anticyclonique (la dernière) connaît un bien agréable 24,9°C.

 

Le tout, dans un contexte de sécheresse presque absolu. Les maigres précipitations de la fin août (2 jours seulement avec une bonne quantité) n’ont pas fait le poids, une nouvelle longue période sans pluie s’est installée : pas une goutte à Uccle entre le 29 août et le 12 septembre. Résultat des courses : l’air s’est desséché de façon extrême : pendant la journée chaude du 11 septembre, l’humidité relative est tombée largement en dessous de 15%. Même l’été 1976 n’a pas connu de taux aussi bas.

 

Notons enfin les très gros écarts entre le jour et la nuit durant cette journée très sèche du 11 septembre :

 

Furnes : 6,2°C/30,6°C

Maaseik : 4,6°C/28,5°C

Spa : 7,6°C/29,0°C

Ostende : 9,9°C/30,0°C

Arlon : 7,7°C/27,2°C

 

Quelques journées de l’été 1976 ont connu des écarts similaires.

 

Le 13 septembre 1911 (après un matin très doux encore) connaît une première irruption d’air maritime frais accompagné de pluie. Au littoral, ce jour instaure le début d’une période pluvieuse tandis que l’intérieur des terres connaît une nouvelle période sèche avec des températures certes plus basses, et des nuits parfois très froides pour la saison.

 

À partir du 19 septembre enfin, il y aura de l’eau pour tout le monde, et en abondance. Le dernier jour du mois, on connaîtra même une véritable tempête d’automne, accompagnées de fortes pluies, dépassant parfois les 40 mm (Uccle : 40,7 mm). Dorénavant, la sécheresse appartiendra vraiment au passé.

 

 

4. Conclusions

 

Si de nos jours, les records belges flirtent presque avec les 40°C (Liège-Monsin : 38,8°C ; Aubange : 38,6°C ; Torgny : 38,6°C…), les pointes de 35 à 36°C observées en 1911 sont inédites pour l’époque. En plus, le nombre de stations fiables est restreint. Des températures plus élevées que les 35,7°C de Maaseik ont sûrement eu lieu. Nous avons par exemple une mesure de 38,2°C au barrage de la Gileppe, mais en l’absence de métadonnées et de longue série de référence, il est impossible de déterminer si cette valeur est comparable ou non aux mesures actuelles.

 

Mais les témoignages de jadis foisonnent, tant en Belgique qu’en France : une pareille chaleur, c’est du jamais vu ! Les grands-parents de 1911 se souviennent peut-être encore de la chaleur de 1852. Mais les chiffres leur donnent raison : comme en 1911, c’est (vraiment) du jamais vu !

 

315ii5h.jpg

Source : meteo-paris

 

Seul l’été 1783 a peut-être pu présenter un phénomène similaire. Toutefois 1783 a été bien des fois amplifié dans les livres, peut-être moins à cause de sa chaleur qu’à cause de sa luminosité bizarre, effrayante parfois, qui était liée aux cendres du volcan islandais Laki.

 

Selon les données reconstituées, l’été 1783 a certes été chaud, mais sans rivaliser avec celui de 1911. Et dans les données existantes, depuis 1833, aucun été antérieur n’y ressemble vraiment.

 

Le climat belge, au 19e siècle et au début du 20 e siècle, était vraiment belge. Quelques hivers légendaires certes, sinon des hivers doux et pluvieux et des étés frais et (presque) aussi pluvieux. Quelques journées chaudes étaient la règle, des journées où il faisait « douf » d’ailleurs, à l’avant d’une perturbation. Et avec un peu de chance, une période de beau temps de quelques semaines. Mais pas presque trois mois sous le soleil et la chaleur.

 

Ce qui est interpellant, c’est que ce super été de 1911 a bientôt été suivi par d’autres, comme celui de 1921 et celui de 1947. Pourquoi des étés caniculaires après, et pas avant.

 

Une tentative de réponse se trouve dans le saut climatique observé autour de 1910, le premier réchauffement climatique en fait, celui qui n’est pas encore très bien expliqué. Mais les effets sur les étés semblent géants.

 

Avant 1910 : pas de canicules significatives de longue durée, juste des pointes de chaleur de temps en temps, et surtout un grand nombre d’étés pourris.

 

Entre 1910 et 1987 : les étés caniculaires commencent à exister, avec des périodes de retour de 20 à 30 ans, parfois moins. Il s’agit de 1911, 1921, 1947 et 1976 qui, a des nuances près, sont équivalents.

 

Après 1987, les phénomènes caniculaires se multiplient. Nous avons 1995, qui est presque similaire à 1911, puis déjà 2003. En plus de cela, presqu’un été sur deux présente des phénomènes qui jadis auraient été hors normes.

 

Ne revenons que quelques années en arrière : 2015 multiplie ses températures entre 38 et 39°C, 2009 en possède aussi, tout comme 2006 tandis que 2003 en affiche pendant plusieurs jours. Et même Uccle, avec ses 34 à 36°C qui reviennent régulièrement, frôle ou bat les records estivaux.

 

Les hivers semblent avoir moins bougé. Des années récentes nous ont montré que les coups de froid, même de longue durée, existent toujours. La température semble avoir augmenté linéairement, avec des vagues de froid juste un peu moins froides et des périodes douces juste un peu plus douces. Sauf… décembre 2015 ! Ce mois-là a été le premier signal que l’hiver pourrait changer radicalement. Alors qu’en été, le premier signal d’un été qui change a été… 1911 ! Et depuis, l’été belge n’a cessé de changer et ce, de façon de plus en plus rapide au cours des dernières années. Par chance, diront certains : il fait en moyenne plus chaud et surtout plus beau. Mais est-ce que la nature suivra ?

 

 

5. Bibliographie

 

ORB – J. Vincent – Annuaire météorologique pour 1912

ORB – Revues Ciel & Terre – Bulletins du climat de la Belgique (juillet-août-septembre 1911)

ORB – Revue Ciel & Terre – La sécheresse de l’air en septembre 1911

Meteorological Office – Daily Weather Reports (1st july to 31st december 1911)

IRM – L. Poncelet, H. Martin – Esquisse climatographique de la Belgique

IRM – L. Poncelet – Aperçu sur le climat du littoral belge 

IRM – Cartes synoptiques quotidiennes (juin et juillet 1976)

IRM – Bulletins mensuels climatologiques (juin et juillet 1976, juillet 1983)

IRM – Bulletins mensuels – observations climatologiques – Partie I (1994, 1995, 1997, 2003 et 2010)

IRM – M. Vandiepenbeeck, Ph. Mievis – Les vagues de chaleur en Belgique

ECA&D – Daily Maximum (and Minimum) Temperatures in 0,1°C

Meteociel – Archives des réanalyses du NCEP

meteo-paris – Les chroniques météo de l’année 1911

 

 

 

 

 

Modifié par cumulonimbus
Correction d'une petite erreur après recalcul d'un correctif d'homogénéisation

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Superbe récit. Merci CB :)

M'intéressant aux palmiers, j'ai appris qu'il y a jusqu'a 3 millions d'années avant le début des ères glaciaire que le type de palmier Sabal peuplaient nos régions jusqu'au nord des Pays Bas.

C'est une espèce qui prospère aujourd'hui le long de la côte Est des USA de la Caroline du Nord à la Floride.

Sachant que le climat de ces régions est chaud et humide, ne risque pas -t-on avec le RC aussi de voir ce type de climat devenir la norme chez nous?

En ce sens que les canicules sèches seront peu à peu remplacées par de longues périodes chaudes mais avec des précipitations beaucoup plus importantes qu'aujourd'hui?

A-t-on aussi constaté une hausse de la pluviométrie au cours du siècle passé et celui présent par rapport aux précédents?

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant

×