Chronique d'un hiver désespérant

[cumulonimbus 0]

Bonjour à tous.

Voici le quatrième et dernier volet de mes chroniques hivernales. Ce qui ne veut pas dire, évidemment, que je n'écrirai plus d'articles. De nombreux sujets vous attendent encore.

L'hiver 1974-1975

3 décembre 1974

Voilà trois jours que l'hiver météorologique a commencé, mais la température ne daigne toujours pas descendre. Depuis trois jours même, elle dépasse à nouveau les 10°C, parfois même la nuit. Le ciel, quant à lui, reste désespérément couvert de stratus et de stratocumulus, poussés par un petit vent de sud-ouest doux mais humide et désagréable. On est bien loin des -10°C de l'année passée, avec une épaisse couche neigeuse...

11 décembre 1974

Ça y est ! Le vent a tourné au nord-ouest ! Après un orage de grêle, des averses de neige tombent régulièrement de cumulonimbus bien dodus. Pourtant, la température ne veut toujours pas descendre en-dessous de 0°C et pas un flocon ne touche le sol sans fondre immédiatement.

12 décembre 1974

Le ciel est couvert de nimbostratus et il n'arrête pas de neiger par 1°C. Allez ! Un petit degré en moins, et l'hiver serait là ! Peut-être la nuit...

Non, hélas ! La nuit, un front chaud traverse le pays. La neige se transforme en bruine et en pluie, la température remonte même jusqu'à presque 7°C.

23 décembre 1974

Veille de Noël. Partout des sapins et des chants de Noël. Juste l'hiver manque à l'appel. Un grand soleil, bas certes, mais doux. L'air est doux aussi. Il fait même 12,6°C. Le 25, jour de Noël, la température atteindra même 13,5°C, mais cette fois-ci, sous les nuages et la pluie.

3 janvier 1975

Tiens ! Il a gelé cette nuit ! Ça fait deux mois qu'on n'a plus vu ça ! Tout le mois de décembre s'est écoulé sans le moindre petit jour de gel ! Aujourd'hui par contre, il a fait -1,7°C. Anticyclone mobile, éclaircies nocturnes puis brouillard. Ce brouillard se transforme ensuite en stratus, stratocumulus puis cumulus avec des éclaircies. Mais le vent est déjà bien orienté au secteur sud à sud-ouest et le (très modeste) froid ne durera pas.

15 janvier 1975

C'est le vrai printemps ! Déjà ! Le soleil brille généreusement, entre quelques cumulus, stratocumulus et cirrus, poussés par un bon vent du sud. Il fait 14,2°C ! La veille déjà, la température atteignait 13°C sous le soleil et 14°C la nuit, sous la pluie d'un front chaud.

28 janvier 1975

Après un matin relativement doux, il se met à neiger l'après-midi. Un coin d'air froid s'est très temporairement enfoncé dans l'air doux jusqu'à atteindre notre pays. Cet épisode très anecdotique ne laissera que quelques traces au sol, qui fondront très vite.

3 février 1975

Depuis deux jours, le vent souffle de nord à nord-est. D'après le bulletin météo, de "l'air paradoxalement assez doux nous arrive de la Scandinavie". En effet, la température oscille entre 8 et 10°C en journée. Toujours est-il que c'est un peu moins que les 12°C qu'on observait à nouveau en fin janvier, par vent de sud à sud-ouest et de la pluie. Maintenant, il ne pleut plus, le temps est brumeux avec même quelques éclaircies.

5 février 1975

Le vent a tourné à l'est. Deuxième jour où il fait très beau. Ce matin, il a même gelé : -1,5°C. En janvier, ce n'était arrivé que deux fois. Janvier a d'ailleurs été le plus doux du siècle, après un décembre qui occupait la deuxième place dans cette catégorie.

11 février 1975

Depuis huit jours, le temps est anticyclonique. Il s'agit d'un anticyclone chaud, avec une forte subsidence, qui a d'abord réchauffé l'air en altitude, puis au sol. Depuis trois jours, la température redépasse les 10°C. Aujourd'hui, il fait 12,3°C, sous un ciel un peu plus voilé, avec du cirrostratus essentiellement. Ça n'enlève rien à l'impression de printemps précoce qui se poursuit.

19 février 1975

Pluie mêlée de neige, ce matin. Mais plus personne n'y croit ! Et on a bien raison de ne pas y croire. Un nouvel anticyclone arrive, avec le même scénario : vent de nord tournant à l'est, puis au sud-est, réchauffement par subsidence, maintenant aidé par un soleil qui devient de plus en plus fort.

28 février 1975

Neuf jours consécutifs qu'il fait beau et doux, avec des températures de 7 à 13°C en journée et quelques petites gelées nocturnes. Aujourd'hui, on atteint même un sommet, avec 13,7°C.

Le mois de février a comptabilisé 155 heures de soleil, un record ! La moyenne des maxima et des minima, respectivement de 8,6°C et de 0,7°C, est presque celle d'un mois de mars normal. L'hiver dans son ensemble a été le plus doux depuis 1833 ! (Il sera toutefois battu en 1989/1990.)

9 mars 1975

Le temps est devenu plus humide et pluvieux, mais toujours assez doux. C'est sans doute définitivement foutu pour l'hiver !

16 mars 1975

Des giboulées de mars ! Eh oui, ça existe encore ! De beaux cumulonimbus, poussés par un vent du nord, donnent de copieuses averses. Une température qui, entre les averses, remonte à chaque fois vers 5-6°C ne laisse toutefois aucune chance à la neige de tenir.

19 mars 1975

2 cm de neige au sol ! À la suite du passage d'une goutte froide, incluse dans l'air polaire. Le phénomène se reproduira d'ailleurs le 28, avant-veille de Pâques, où on mesurera même 6 cm de neige. Ces deux jours seront les seuls qui donneront une couche de neige mesurable. Si l'on considère que l'hiver météorologique s'arrête au 28 février, l'hiver n'aura donné même pas un seul jour avec une couche de neige mesurable.

Conclusion

Seul l'hiver 1989-1990, l'hiver des tempêtes, sera encore plus doux. Par contre, les hivers presque aussi doux et presque aussi pauvres en neige sont légion. C'est même le type d'hiver le plus fréquent dans notre climat maritime.

Je pourrais encore décrire d'autres hivers ou d'autres périodes hivernales, mais je risquerais de me répéter. L'hiver 1984-1985, par exemple, ressemble très fort à l'hiver 1978-1979, sauf qu'il est arrivé moins brutalement. De même, l'hiver 1989-1990 ressemble à l'hiver 1974-1975, avec également le seul enneigement se produisant en mars. Ce qui a été différent, par contre, ce sont les tempêtes extraordinaires de cet hiver-là. J'y reviendrai dans un autre article, dans un tout autre cadre.

Les quatres épisodes hivernaux que j'ai décrits ont la propriété de reprendre les principales caractéristiques de nos hivers. Bien sûr, comme toute sélection d'événements, ce ne sera jamais exhaustif. Aucune année ne ressemble à la précédente, et aucun jour ne ressemble au précédent sur toute la ligne. C'est particulièrement vrai en météorologie.

J'espère avoir éveillé des souvenirs chez certains, peut-être moins avec mon article sur 1974-1975, mais davantage avec les trois autres, sur des hivers plus rudes.

À bientôt,

Cumulonimbus

Sources

IRM pour les données chiffrées

Notes personnelles d'époque pour le reste.

Modifié 26 octobre 2006 par cumulonimbus

[dada 0]

Merci Cumulonimbus !!

Désespérant est un terme qui convient trés bien...

Heureusement que j'étais trop jeune pour m'en rappeller (3 ans)...

Modifié 26 octobre 2006 par dada

[Toine Culot 0]

J'espère avoir éveillé des souvenirs chez certains

Merci Robert!

[virtualife 0]

Heureusement que j'étais trop jeune pour m'en rappeller (3 ans)...

Les premiers mois de ma vie, j'ai pas ete gate cote neige !

Merci Robert !

J'attends avec impatience l'hiver 1989-1990 et ses fameuses tempetes (MarcV, si je me souviens bien, avait dit : 8 tempetes)

[Piet 0]

Je n'étais pas né, mais je devais déjà être une lueur lubrique dans les yeux de mon père lorsqu'il...regardait (Edit: point de vulgarité) ma mère....Ah, que d'émotions!

Sinon, à part ça, articles toujours aussi intéreressants et bien détaillés, Robert! Le top pour les amateurs de ce genre d'historique aurait été que les Gfs réanalysis soient mises en fichier attaché au texte.

En tout cas, continue! Des chroniques de tempêtes me feraient par exemple plaisir.

Modifié 7 novembre 2006 par Piet