Les coups de froid

[cumulonimbus 0]

La période des grandes vacances, de la fin juin au tout début de septembre, est en moyenne la période la plus chaude en Belgique, ce qui ne signifie pas qu’il fait toujours caniculaire, loin de là. En dépit du réchauffement climatique de ces dernières années, notre climat reste avant tout maritime, avec un temps variable et des températures le plus souvent modérées. À l’intérieur des terres, la moyenne des maxima se situe entre 22 et 24°C en plaine, et redescend en-dessous de 20°C sur les hauts plateaux de l’est. À la côte, cette moyenne des maxima est à l’heure actuelle très légèrement supérieure à 20°C. Mais il peut faire bien plus froid si les conditions sont mauvaises.

Les coups de froid en été sont principalement liés à trois situations atmosphériques.

La première est une situation zonale avec un jet stream particulièrement bas en latitude. En fait, la remontée habituelle de l’anticyclone des Açores en saison estivale fait défaut, et les perturbations atlantiques se suivent les unes après les autres. Le manque d’insolation et l’air océanique frais contribuent à des températures particulièrement basses au niveau des maxima, surtout si une telle situation atmosphérique persiste longtemps.

La deuxième situation qui mène à du froid estival est un blocage oméga mal placé pour nous. Dans ce cas, la crête se situe à l’ouest de nos régions et les basses pressions de la partie orientale de l’oméga se trouvent également à l’est par rapport à chez nous. Il s’ensuit un courant de nord-ouest à nord d’origine polaire qui détermine un temps très instable sur nos régions et, parfois, perturbé. Dans pareille situation, tant les maxima que les minima peuvent être très bas. Les minima les plus bas se rencontrent toutefois à la fin d’une telle situation, lorsque la crête se rapproche de nos régions, que l’air se stabilise et que l’on observe une ou plusieurs nuits claires par air polaire sous régime anticyclonique. En journée par contre, grâce au soleil, les maxima remontent alors rapidement.

Un troisième cas de temps estival froid (et très pluvieux) est une goutte froide en altitude qui persiste plusieurs jours au-dessus de nos têtes. L’air à l’origine n’est pas nécessairement froid dans les basses couches, souvent il est même assez chaud, mais la grande instabilité liée à l’air froid en altitude, associée à une grande humidité, provoque des averses intenses. Si le système ne bouge pas, les averses deviennent persistantes, surtout si des facteurs dynamiques leur permettent de s’auto-entretenir, et l’air froid de l’altitude est ramené vers le bas par l’abondance des pluies. Normalement, dans sa chute, cet air devrait se réchauffer adiabatiquement, mais ce réchauffement est quelque peu contré par l’évaporation partielle des précipitations. Des maxima très bas peuvent alors être observés en-dessous du nuages, alors qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, il n’est aucunement question d’une vague de froid estival.

Parfois, l’une de ces situations évolue lentement vers la deuxième, puis vers la troisième avant de revenir à la première, et on peut assister ainsi à des étés parfaitement pourris. Au cours des dernières années, la période de fin juin à fin juillet 1980 et le mois de juillet 2000 dans son ensemble ont été particulièrement pourris et frais. Le mois d’août 2006 a connu le même genre de situation, mais en raison d’une Mer du Nord particulièrement chaude à la suite du mois de juillet 2006 qui a été caniculaire, les températures ont été moins basses qu’elles n’auraient dû l’être. Par contre, les pluies étaient bien au rendez-vous, avec un total mensuel de 202,3 mm (presqu’un record).

D’autres fois, les périodes froides et pluvieuses estivales sont plus temporaires et peuvent parfois même s’insérer dans un été chaud, voire très chaud. Ce fut le cas notamment en 1976, en 1994 et en 1995. L’été 2003 par contre n’a pas connu de véritable épisode froid. À titre d’exemple, le maximum du 21 juillet 1976 ne dépassera pas 14,6°C à Uccle, ce qui est très étonnant au cœur d’un été aussi chaud.

Les plateaux ardennais sont particulièrement exposés aux maxima bas durant la belle saison. Au-dessus de 500 mètres d’altitude, il n’est pas rare que la température ne dépasse pas les 10°C au meilleur moment de la journée (en juillet et août). Les minima très bas concernent avant tout les vallées ardennaises, mais aussi la Gaume, la Campine et, d’une façon plus inattendue, la côte belge. En effet, le sable des dunes provoque d’importants refroidissements nocturnes par ciel clair et, quand la brise de terre est bien développée, les minima peuvent y être aussi bas qu’en Campine. Tant à Middelkerke qu’à Coxyde, on a déjà vu des minima inférieurs à 4°C en juillet. Au bout de l’estacade d’Ostende, toutefois, le minimum peut très bien rester supérieur à 10°C en pareil cas.

En matière de temps pluvieux et froid, le phénomène le plus marquant de ces dernières années a été noté les 27, 28 et 29 juin 1981. Un profond creux barométrique en altitude s’est ensuite transformé en goutte froide, détachée du flux juste au sud de nos régions, avec de très importantes précipitations pour nous (48,5 mm à Uccle le 28). Au cours de ces trois jours, le soleil ne brillera pas une minute et le maximum ne dépassera pas 11,4°C à Uccle le 29. Si ce maximum s’était produit deux jours plus tard, le record absolu aurait risqué d’être battu. À Saint-Hubert, ce jour-là, le maximum ne sera que de 9,3°C.

Une goutte froide du même type générera un temps très froid avec des précipitations exceptionnelles les 28 et 29 août 1996. À Uccle, les totaux de précipitations sont respectivement de 56,4 et 56,7 mm tandis que les maxima sont de 14,8 et de 13,6°C. Cette fois-ci cependant, la poche d’air froid est très localisée et ne concerne pas tout le pays. À Deurne (Anvers), les maxima sont de 18,2 et 18,4°C au cours de ces deux jours.

En juillet 1969, la température maximale ne dépasse pas 15°C pendant trois jours consécutifs à Uccle, les 7, 8 et 9 avec respectivement 13,7°C, 14,8°C et 13,5°C. À Saint-Hubert, ces maxima sont de 11,0°C, 10,1°C et 9,5°C. La cause de ce froid se retrouve dans un long et étroit thalweg en altitude, rempli d’air froid et associé à une dépression fermée au niveau du sol, traversant notre pays pour remonter vers la Scandinavie.

En 1978, 1980 et 2000, le mauvais temps s’inscrit dans la durée et persiste des semaines et des semaines. À Uccle, on observe des maxima très bas le 6 juillet 1978 (13,8°C), le 10 juillet 1980 (13,4°C) et le 11 juillet 2000 (13,4°C). Mais un grand nombre de maxima entre 14 et 16°C, associés à une maigre insolation, donne à ces étés un caractère particulièrement pourri. À Saint-Hubert, la température maximale n’atteindra que 9,4°C le 11 juillet 2000 alors qu’à Bierset, ce maximum sera de 12,3°C. La côte, en pareilles circonstances, est alors un peu moins froide avec des températures autour de 15°C.

En 1995, après une période de deux mois de temps chaud, voire caniculaire, avec un total de 13 jours de chaleur (>30°C) à Uccle, des courants polaires directs font fortement chuter la température à la fin du mois d’août, en dépit de la Mer du Nord encore chaude. Le 29, le maximum ne dépassera pas 14,8°C à Uccle, 11,3°C à Elsenborn, 10,4°C à Libramont et 9,0°C au Mont Rigi. À Middelkerke, ce maximum sera de 17,4°C après un minimum de 14,6°C (forte influence réchauffante de la mer, et absence de brise de terre la nuit).

Pour ce qui concerne les minima exceptionnellement froids, le contexte est généralement beaucoup moins sombre. En général, ils se produisent à la fin d’une période de mauvais temps et, plus rarement, dans une période de beau temps avec une masse d’air polaire relativement sèche (forte inversion de subsidence mais humidité insuffisante pour générer un étalement des cumulus en stratocumulus cumulogenitus, risquant de persister une partie de la nuit).

Une nuit d’été particulièrement froide sur tout le pays a été celle du 1er juillet 1984. Avec un minimum de 4,4°C, le record est battu à Uccle. À Rochefort, il gèle avec -1,0°C tandis que Kleine Brogel affiche 1,3°C. Les vallées du Brabant Wallon sont très froides aussi, avec 1,5°C à Braine-L’Alleud. Plus surprenantes encore sont les températures à la côte, avec 3,9°C à Coxyde et 3,6°C à Middelkerke. Seul le bout de l’estacade d’Ostende est resté épargné par le froid, avec un minimum de 11,0°C.

En 1990 et 1996, Middelkerke connaît également des nuits très froides avec respectivement 5,0°C (03/07/90) et 5,1°C (07/07/96). Ce 7 juillet 1996, la température descendra à 1,2°C à Elsenborn.

À Elsenborn également, la température descend jusqu’à 0,0°C le 15 août 1994, après un mois de juillet le 2e plus chaud en Belgique depuis le début des observations. En dépit de l’altitude (564 mètres), le mois de juillet a apporté à cette station 18 jours d’été et 4 jours de chaleur (maximum de 32,9°C le 26). Le 4 août, toujours à Elsenborn, on observera même 33,3°C avant la chute brutale des températures, surtout nocturnes (minima de 2,0°C le 14, 0,0°C le 15 et 1,9°C le 16).

En août 1978, c’est Rochefort qui a frôlé le gel avec 0,0°C le 28. Uccle, avec 6,7°C, a connu une nuit fort froide pour août aussi, tandis que Virton affichait 2,7°C.

L’année d’après, c’est à nouveau la côte qui est frappée par le froid, avec 4,9°C à Coxyde le 29 août 1979 (et une fois de plus, à l’estacade d’Ostende, le minimum restera supérieur à 10°C au cours de la même nuit).

Enfin pour conclure, je noterai encore quelques températures très basses plus anciennes, comme les 0,7°C du 2 juillet 1960 à Rochefort, les 1,6°C du 17 juillet 1971, toujours à Rochefort, les 0,6°C du 1er août 1935 à Wardin (Bastogne), les 1,7°C et 1,3°C des 13 et 19 août 1949 à Rochefort.

De toutes ces données, dont certaines sont plutôt récentes, on peut affirmer sans trop risquer de se tromper que le gel est possible durant toute l’année dans les endroits très exposés de la Belgique. Quant aux maxima, ils peuvent rester coincés à 8°C environ sur les hauts plateaux ardennais et entre 11 et 13°C ailleurs dans le pays en cas de situation météorologique extrême en juillet et août.

Cumulonimbus

Sources :

IRM (climatologie, cartes synoptiques, METAGRI, Événements marquants depuis 1901) ;

NCEP Reanalysis ;

ECA&D ;

TuTiempo.

Modifié 24 juin 2008 par cumulonimbus

[dada 0]

Merci Cumulonimbus !

[Piet 0]

Bel article, Robert

Un autre exemple de minimum froid, tout récent: -0.6°C à Elsenborn le 30 août 2007.

Le site est assez exposé au refroidissement durant les nuits de rayonnement (à la même date, les aérodromes de Spa et St-Hubert ne descendaient respectivement pas sous +6°C et +4.5°C).

EDIT: la date est le 30 août et non le 31 comme indiqué dans le message initial.

Modifié 24 juin 2008 par Piet

[cumulonimbus 0]

Ceci confirme bien que le gel est possible en toute saison à des endroits aussi exposés qu'Elsenborn. Probablement certaines vallées ardennaises ont aussi connu le gel cette nuit-là.

Cb

[Piet 0]

Ceci confirme bien que le gel est possible en toute saison à des endroits aussi exposés qu'Elsenborn. Probablement certaines vallées ardennaises ont aussi connu le gel cette nuit-là.

Cb

Très certainement.

Pour être déjà passé en voiture dans le coin au lever du jour, l'endroit où la mesure est prise au camp d'Elsenborn n'est pas le plus froid par nuit clair et sans vent.

A un 1 ou 2km en contre-bas sur la route qui descend vers Montjoie (en empruntant la vallon de la Roer), le mercure était 2 ou 3°C inférieur encore.

[ongbak 0]

Robert.....En espérant des journées torrides

[dascia 0]

Bravo cumulonimbus! Merci!

Question: Pourquoi une mer du Nord chaude fait-elle baisser les températures sous l'influence de courants polaires?

[paix 0]

Le mois d’août 2006 a connu le même genre de situation, mais en raison d’une Mer du Nord particulièrement chaude à la suite du mois de juillet 2006 qui a été caniculaire, les températures ont été moins basses qu’elles n’auraient dû l’être.

Les températures restent douces si la mer du Nord est aussi douce

[dada 0]

Bravo cumulonimbus! Merci!

Question: Pourquoi une mer du Nord chaude fait-elle baisser les températures sous l'influence de courants polaires?

Je n'ai pas vu qu'on disait cela dans l'article...

Est-ce que tu n'aurais pas mal lu ?

Le mois d’août 2006 a connu le même genre de situation, mais en raison d’une Mer du Nord particulièrement chaude à la suite du mois de juillet 2006 qui a été caniculaire, les températures ont été moins basses qu’elles n’auraient dû l’être.

Par contre, en hiver, si des courants polaire passent sur la mer du nord (qui est forcément plus chaude), ca favorise la formation d'averse (éventuellement hivernales) a cause de l'humidité et de la différence de température...

[dascia 0]

Bravo cumulonimbus! Merci!

Question: Pourquoi une mer du Nord chaude fait-elle baisser les températures sous l'influence de courants polaires?

Je n'ai pas vu qu'on disait cela dans l'article...

Est-ce que tu n'aurais pas mal lu ?

Le mois d’août 2006 a connu le même genre de situation, mais en raison d’une Mer du Nord particulièrement chaude à la suite du mois de juillet 2006 qui a été caniculaire, les températures ont été moins basses qu’elles n’auraient dû l’être.

Par contre, en hiver, si des courants polaire passent sur la mer du nord (qui est forcément plus chaude), ca favorise la formation d'averse (éventuellement hivernales) a cause de l'humidité et de la différence de température...

Si, je viens de m'apercevoir que j'ai mal compris le sens de la phrase...

[libeccio 0]

Très bel article sur les coups de froid au coeur de l'été en Belgique Cumulonimbus Vivement un article aussi bien fait sur les coups de chaud en été en Belgique

[Frédéric Bruls 0]

En effet, toujours très intéressant, comme d'habitude. Bonne suggestion de la part de Libeccio. Cb, tu sais ce qu'il te reste à faire : au boulot !