L'hiver au printemps

[cumulonimbus 0]

Bonjour à tous,

Avant de vous citer des exemples d'épisodes froids au printemps, je ferai d'abord quelques remarques préliminaires sur l'hiver.

Remarques préliminaires sur l'hiver

Une situation de froid en Europe est généralement liée à un anticyclone sur la Scandinavie et à des dépressions en Méditerranée et parfois, sur l'Europe centrale. On observe alors un enneigement abondant sur l'Europe orientale et nord-orientale en raison de retours d'est mais surtout en raison de l'absence de périodes de dégel, ce qui permet une accumulation de neige. Cette neige met du temps à fondre au printemps, ce qui fait que le froid s'auto-entretient dans ces régions jusque mars, voire avril en raison de l'albédo. C'est ce froid-là qui arrive parfois jusqu'à nos régions en cas de vents de nord-est. Aux très hautes latitudes, par contre, un anticyclone scandinave génère généralement des vents d'ouest ou de sud-ouest, ce qui fait qu'on observe dans ces cas un temps souvent très doux en Laponie et aux îles Spitsbergen. Les glaces polaires ont alors tendance à se retirer.

Une situation de temps doux en Europe est généralement liée à des pressions particulièrement élevées en Méditerranée et à un train de dépressions qui circulent au nord ou au nord-ouest de nos régions, entraînant un puissant courant d'ouest ou de sud-ouest. Cet air doux remonte parfois jusqu'à 65° de latitude nord, ce qui fait que des villes comme Oslo, Stockholm ou Helsinki connaissent également des hivers anormalement doux. Aux très hautes latitudes, par contre, il existe alors un puissant contre-courant de nord-est, circulant au nord des dépressions, avec des conditions plus froides que d'habitude. Les glaces polaires ont alors tendance à avancer et à persister au printemps. Par vent de nord, ceci peut également nous réserver des surprises au printemps.

Il suffit, pour se convaincre du phénomène, de comparer les glaces polaires au 1er février 2006 (froid chez nous) avec celles au 1er février 2007 (doux chez nous). Les glaces polaires sont nettement plus développées cette année que l'année passée.

http://www.meteogiornale.it/news/read.php?id=14949

(La première image montre une Europe enneigée en 2006, avec un recul des glaces aux hautes lattitudes ; la deuxième image montre une Europe peu enneigée en 2007 mais des glaces polaires plus avancée. Attention ! Bien comparer car ce n'est pas visible au premier coup d'oeil !)

Le froid printanier après un hiver rude

Un printemps normal comporte plus de vent d'est et de nord-est qu'un hiver normal. En général, en raison du soleil déjà fort et du réchauffement rapide du continent, ces vents apportent déjà de belles journées printanières, avec des gelées nocturnes certes, mais une belle douceur l'après-midi. Toutefois, si la neige persiste sur le continent après un hiver rude, le froid s'auto-entretient en raison de l'albédo et les vents d'est à nord-est demeurent très froids, surtout en mars mais parfois, même en avril.

Quelquefois, un mois de mars froid est simplement la prolongation d'un hiver froid. Ce fut le cas, notamment en 1986, où les conditions rigoureuses de février se sont maintenues au début du mois de mars, avec persistance de la neige et persistance des gelées (quasi) permanentes en dépit d'un bon ensoleillement. Ce phénomène a également été observé en 1929 et en 1947 et, dans une moindre mesure, en 2006.

Plus souvent par contre, on observe de brusques retours du froid après une période de redoux printanier. L'hiver 1987, comparable à celui de 1986, a connu un brusque retour du froid (avec deux gelées permanentes) après un redoux marqué à la fin février et au début de mars. Dans le premier cas comme dans le second, ces offensives hivernales sont liées à des vents de nord-est inhabituellement froids pour la saison. En 1986, après la prolongation du froid en début mars, on a encore observé un fort retour du froid en avril, avec -4,7°C à Uccle le 12 (= le record absolu pour avril). Après l'hiver froid de 1996, on a observé plusieurs retours du froid traîtres en mars, en avril et même en mai.

Le pire épisode de froid printanier reste celui de 1845, avec 7 à 8 gelées permanentes et une température minimale de -13°C le 14 mars, après le très rude hiver 1844-1845.

Le froid printanier après un hiver doux

Un hiver doux ne nous met nullement à l'abri de coups de froid printanier, mais il est vrai que celui-ci est alors d'une autre nature.

Les régions polaires étant généralement plus froides dans ce cas, les débordements anticycloniques à partir du Groenland se font plus facilement, avec instauration de courants polaires directs dans nos régions. En plus, une Mer du Nord plus chaude que d'habitude dans sa partie sud peut renforcer l'instabilité et donner de très nombreuses averses de neige. Des "polar lows" peuvent aussi se former dans de tels courants.

Après l'hiver très doux de 1974/1975 et un début de mars printanier, nous avons connu un épisode hivernal de ce genre à partir du 16 mars et ce, jusqu'au 9 avril. À plusieurs reprise, le sol a été enneigé à Uccle avec même 6 cm le 28 mars. À Botrange, on a observé 55 cm le 5 avril !

En mars 1988, après un janvier particulièrement doux et un février également assez doux, un brusque épisode froid et neigeux s'est produit en début mars, avec 7 cm à Uccle et... 105 cm à Botrange !

L'hiver 1945-1946 qui, à part quelques épisodes, ne s'est pas montré froid et souvent même très doux, a connu 11 jours consécutifs de neige au sol à Uccle en mars, avec un maximum de 15 cm !

Au niveau des températures, des gelées tardives sont fréquentes après un hiver doux, toutefois des températures très basses (-10°C en mars) ou des gelées permanentes sont très rares. Ceci en raison du caractère beaucoup plus maritime de ces offensives hivernales.

Autres coups de froid au printemps

Bien sûr, un hiver moyen ne nous met pas à l'abri de surprises froides au printemps. Il existe par ailleurs des hivers rigoureux qui n'atteignent tout juste pas notre pays... sauf en mars. D'autre part, des retournements de situation imprévisibles existent aussi, comme en mars 1971 avec 5 gelées permanentes consécutives à Uccle (dont 2 en dépit d'un temps très ensoleillé), un minimum de -10,2°C le 7 et un enneigement jusqu'à 10 cm.

D'une façon générale, il faut toujours se méfier des courants d'est au printemps, surtout en mars. Il arrive parfois que l'Allemagne soit relativement libre de neige et se réchauffe rapidement sous le soleil printanier tandis que la Pologne et la Russie enneigées restent très froides. Dans ce cas, nous avons d'abord une arrivée de temps doux et ensoleillé avec des températures largement supérieures à 10°C, puis soudain l'arrivée d'un froid intense avec un vent fort et turbulent. En effet, le froid peut suivre le chaud sans transition, sous la forme d'un front froid sec.

Les courants du nord, bien sûr, sont froids aussi, mais c'est beaucoup plus prévisible.

Cumulonimbus

Modifié 19 mars 2007 par cumulonimbus

[Dany 0]

Super explications Cumulo !

[dada 0]

Merci pour cet article, Cumulonimbus !!

[maxous 0]

Robert comme d'habitude

[MLVH 0]

Merci, Robert !

[thunderstorm 0]

En effet, pour les dossiers et autres explications, il est génial

[Météomax 0]

Bravo cumulonimbus, tu es épatant avec tout tes beaux dossiers

[cumulonimbus 0]

Merci à tous !

Cb

[enzdolo 0]

En ce qui me concerne je suis un peu rassuré pour nos végétaux...On nous annonçait des gelées sévères ces jours-ci la semaine dernière il n'en est rien et la température n'est pas descendue sous le O°C dans mon secteur en tout cas au niveau du sol. Ouf !! plus de peur que de mal...j'aurais quand-même apprécié une petite couche de neige mais bon...

Merci cumulonimbus pour ce dossier riche en enseignements !!

[paix 0]

Vous rigolez ? C'est le problème en ce moment, il n'arrive plus à faire froid. C'est sympa pour les plantes qui n'ont pas connu de violentes gelées, mais pour le thermomètre, il y a du mouron à ce faire.

Modifié 20 mars 2007 par paix

[Bréhat 0]

J'apprécie toujours tes avis pertinents et tous tes articles bien ciblés. Merci et bravo, toujours un plaisir de te lire.