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cumulonimbus

Le nord-foehn

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On ne parle pas souvent du nord-foehn, pourtant c’est un phénomène qui concerne de grands territoires en Europe, surtout en Méditerranée. Ses manifestations les plus connues sont le mistral et la tramontane.

En dehors de la Méditerranée, le nord-foehn se rencontre aussi à des endroits où l’on s’y attend moins, comme dans la partie orientale de l’Allemagne, en Grande-Bretagne et, sous une forme atténuée, même en Belgique, dans sa partie ouest tout au moins.

Avant d’expliquer plus en détails le nord-foehn, je ferai d’abord un bref rappel de ce qu’est le foehn.

Le foehn traditionnel est un vent chaud du sud qui souffle dans les pays alpins, surtout en Suisse, dans le sud de l’Allemagne et en Autriche. Il se forme lorsque de l’air perturbé atlantique s’infiltre en Méditerranée, devient plus actif sur l’eau plus chaude de cette dernière et arrive par le sud en tournant autour d’une dépression devenue (temporairement) stationnaire au-dessus du golfe de Gênes.

Il s’agit donc d’air chaud à l’origine, et très humide. En abordant les Alpes, il est contraint de s’élever et de se refroidir adiabatiquement. Comme le point de saturation est vite atteint dans cet air humide (700 mètres, voire moins), le refroidissement s’opère selon l’adiabatique humide, c’est-à-dire 0,5°C par 100 mètres.

Le mouvement ascendant renforce les précipitations, qui tombent toutes du côté sud des Alpes, généralement de façon intense. Passé le sommet des montagnes, l’air débarrassé de son humidité redescend en se réchauffant selon l’adiabatique sèche, c’est-à-dire 1°C par 100 mètres. L’air devient dont encore plus chaud sur le versant sous le vent des Alpes.

Les perturbations qui s’abattent du côté sud des Alpes sont généralement organisées, avec des pluies continues et fortes pendant plus jours d’affilée. Il s’ensuit une faible amplitude thermique entre le jour et la nuit dans cet air nuageux et pluvieux. De l’autre côté des Alpes, le foehn souffle, lui aussi, pendant plusieurs jours d’affilée, de jour comme de nuit. Il s’ensuit des températures très chaudes en journée, qui restent chaudes la nuit aussi.

En hiver, la température peut dépasser 20°C en plein hiver (et parfois en pleine nuit) quand s’établit une situation de foehn. En été, la température dépasse aisément 30°C et ne descend que très lentement la nuit, sous un vent chaud qui souffle en bourrasques en raison de la dynamique créée par le relief. À Altdorf en Suisse, on a déjà observé des températures supérieures à 30°C en pleine nuit. Un phénomène similaire s’observe aussi dans les Pyrénées et du côté nord des massifs suffisamment élevés du Midi de la France.

Le nord-foehn, c’est la même chose, mais à l’envers. C’est le côté nord des Alpes (et autres massifs montagneux) qui subissent la pluie tandis que le sud (Italie, Tessin, Côte d’Azur) connaît le vent desséché et réchauffé qui génère du beau temps.

Si le phénomène, au départ, est strictement le même, il convient toutefois de signaler d’importantes nuances.

En premier lieu, il s’agit d’un air qui est d’origine froide, qui se réchauffe sous le vent des reliefs. On peut donc parler de deux aspects thermiques qui se contrecarrent. Parfois, le réchauffement par effet de foehn est très fort, la température des zones touchées par ce nord-foehn est donc plus élevées que par temps normal. On a donc des vents de nord « chauds ». C’est souvent le cas à Lugano en Suisse et dans la région du Lac Majeur, tant en Suisse qu’en Italie, voire même dans la région de Milan. En été, on y observe alors des températures proches des 30°C. C’est toutefois moins chaud que le foehn de sud, où l’origine chaude de la masse d’air et l’effet de foehn se conjuguent et portent les températures jusqu’à des niveaux extrêmes dans les zones concernées.

Parfois aussi, l’effet de foehn (du nord-foehn) ne parvient pas à compenser l’origine froide de la masse d’air. On a alors affaire à un vent qui reste froid. C’est souvent le cas du mistral dans le sud de la France. Il convient toutefois de signaler que l’effet de wind chill contribue nettement à la sensation de froid par temps de mistral.

En second lieu, la nature des précipitations qui tombent du côté au vent est nettement différente. Si, dans le cas du foehn du sud, il s’agit le plus souvent de perturbations organisées, dans le cas du foehn du nord, il s’agit le plus souvent d’averses dans des courants instables. Cette instabilité connaît des variations diurnes importantes, avec un maximum en après-midi et un minimum (voire une disparition) durant la nuit.

Le vent se renforce aussi et devient plus turbulent en journée en raison de l’instabilité. Il règne donc au nord des Alpes un temps (assez) calme et souvent serein la nuit, et un temps venteux avec de nombreuses averses, parfois violentes, en journée. Le nord-foehn subira la même variabilité, avec une disparition parfois complète la nuit, et un vent maximum en journée, avec un ciel toujours serein au sud des Alpes, mais un temps turbulent et, parfois, assez chaud.

Dans la région de Milan, on observe alors de fortes amplitudes thermiques entre le jour et la nuit. Dans la région de Marseille, ces amplitudes seront grandes aussi, mais généralement plus froides, avec risque de gelées même au printemps et en automne, et un temps venteux et encore assez frais le jour (parfois toutefois assez chaud).

Il existe aussi un nord-foehn assez particulier, qui ressemble plus au foehn traditionnel. C’est le cas lorsque de l’air perturbé et doux circule autour d’un anticyclone centré près de l’Irlande, passe par nos pays (Belgique, Pays-Bas…), puis redescend vers les Alpes dans un courant de nord-ouest ou de nord. Dans ce cas, on observera une pluviosité continue au nord des Alpes, avec un isotherme de 0°C très haut pour la saison, donc du temps doux. De l’autre côté des Alpes, cet air se réchauffe par effet de foehn et amène des températures très élevées dans la région de Lugano, Locarno et parfois jusqu’à Milan. Régulièrement, on observe des températures proches, voire supérieures à 20°C en décembre ou janvier à Lugano (avec un temps très ensoleillé).

Le 15 février 1990, on a même observé 24°C à Milan et 25°C à Turin.

Plus exceptionnel encore : la situation du 18 janvier 2007. Un puissant courant de sud-ouest (tempête Kyrill) a amené un temps particulièrement doux sur l’Europe (14,9°C à Uccle). Ce courant, en raison d’un « accident » barométrique, s’est soudain incurvé et a généré des vents de nord-ouest sur les Alpes, avec l’apparition d’un nord-foehn particulièrement chaud. Ainsi, on a observé 27°C en plein janvier en de nombreux endroits en Italie du Nord, et jusqu’à 29,4°C dans le Piémont. À Milan, par contre, une petite inversion dans les basses couches a limité la température à 20-21°C.

Dans l’Allemagne orientale, le nord-foehn est lié aux massifs scandinaves, dans le sud de l’Angleterre, le nord-foehn est lié aux massifs de l’Écosse et du Pays de Galles. Comme ces massifs sont moins élevés, l’effet de foehn est plus modeste, mais reste bien observable. Les averses sont très fréquentes, avec un point de condensation (et base des nuages) très bas en altitude. De l’autre côté, la base des nuages s’élève nettement et les averses se font rares, voire inexistantes. Du point de vue thermique, on gagne quelques degrés aussi. Cette zone de temps plus sec et assez ensoleillé traverse même la Manche et se retrouve dans la partie occidentale de notre pays, du côté de Furnes, d’Ypres et de Tournai. On y observe un temps plus que « potable » en dépit des vents de nord-ouest, et des températures presque agréables pour la saison. Pendant ce temps, à Bruxelles et surtout à l’est par rapport à Bruxelles, le temps devient exécrable avec de nombreuses averses et du temps frais, voire froid.

Cumulonimbus.

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Merci beaucoup, Cumulonimbus !!!

Trés intéressant, comme d'habitude...

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Encore un très bon article, merci thumbsup.gif

et hop, dans mes articles météo

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Superbe Robert ! thumbsup.gifthumbsup.gif Et vivement samedi que je puisse m'asseoir à côté de toi pour que tu m'en apprennes encore et encore ... et puis j'ai observé des choses dans le ciel cette année, dont j'aimerais te parler ! wink.gif

Pour en revenir au foehn, je peux apporter un témoignage intéressant. Lors de mes vacances d'hiver 2006 à Chamonix, j'ai vécu une période de foehn qui a duré 3 à 4 jours. C'est quelquechose de vraiment très impressionnant, qu'on ne voit pas souvent ... un phénomène assez hallucinant.

Imaginez le mardi soir 40 à 50 cm de neige à 1000 mètres dans le centre de Chamonix. 60 cm à 1100 où nous étions (sur les hauteurs de Cham').

A Sallanches (dans la vallée) à +/- 400 mètres, il y a entre 5 et 10 cm de neige au même moment.

A chamonix, il gèle à "pierre fendre" depuis plusieurs jours (-10 à -12°C la nuit) et entre 0 et 2/3°C en journée.

Lorsque le foehn se mettra à souffler dans la nuit de mardi à mercredi, la couche de neige aura baisser de 30 cms mercredi matin au réveil (soit en quelques heures seulement). Les tmin montent de 10 à 15°C en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. les tmax mercredi atteignent subitement les 10°C ... et mercredi soir, la neige a totalement disparue à Chamonix sous l'effet du réchauffement, mais aussi du vent !

Par contre, à Sallanches au même moment, les t° ne bougent pas. L'inversion se fait en altitude. La neige se maintiendra 600 mètres plus bas que Chamonix. Je peux en témoigner puisque ce jour-là nous étions descendus à Sallanches pour faire des courses !

Voili, voiloù ! smile.gif

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Par contre, à Sallanches au même moment, les t° ne bougent pas. L'inversion se fait en altitude. La neige se maintiendra 600 mètres plus bas que Chamonix. Je peux en témoigner puisque ce jour-là nous étions descendus à Sallanches pour faire des courses !

Une explication logique à ce phénomène est que l'air sec, doux et subsident (descendant) n'a pas pu descendre assez bas pour influencer Sallanche, qui est resté coincé dans une pellicule d'air plus froid et humide situé à basse altitude (en hiver, ces pellicules d'air froid, dense et "collant", sont parfois difficiles à déboulonner...).

Il a du en résulter une belle différence de température avec, comme tu le dis, une inversion qui devait se situer entre 400 et 1000 m selon ton témoignage.

Il n'y a d'ailleurs pas besoin d'effet de foehn pour obtenir un effet similaire (mais moins violent): il suffit, dans une situation anticyclonique d'hiver, que l'altitude de l'inversion de subsidence descende plus bas que 1000 m pour que la T° grimpe en flèche à Chamonix (mais dans ce dernier-cas, l'augmentation de T° aurait surtout été marqué en journée vu la configuration de vallée, tandis que les nuits auraient du rester relativement froides dans un lieu ultra-encaissé comme Chamonix où une inversion se serait reformée près du sol la nuit).

Outre la différence de température, la différence d'humidité relative peut jouer aussi (entre un air très sec à Chamonix dans le cas de foehn décrit, alors que Sallanche devait se trouver dans une couche nettement plus humide sous l'inversion).

Une éventuelle différence d'ensoleillement est un facteur supplémentaire:

je ne sais pas si le ciel était dégagé à Sallanche quand tu y es descendu, mais il se peut que précédement (avant que tu y descendes), une couche de stratus se soit maintenue dans la partie de basse de la vallée, limitant encore la fonte de la neige à Sallanche, alors que Chamonix, au-dessus de cette couche stratus, connaissait un bon ensoleillement (ce qui favorise encore la fonte de la neige, en plus de la différence de T° sous abri).

A ce propos, il est à parier que même à Chamonix, de fortes différences dans la vitesse de fonte soient observées (avec une fonte plus rapide dans les secteurs Flégère et Brévent, bien exposés au soleil, que sur le versant du Mont Blanc, souvent à l'ombre en hiver).

PS: moi aussi j'aurais aimé discuter avec Robert smile.gif , mais hélàs je ne peux me libérer ce week-end (j'espère une prochaine fois...).

EDIT: aurthaugraf....

Modifié par Piet

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PS: moi aussi j'aurais aimé discuter avec Robert  , mais hélàs je ne peux me libérer ce week-end (j'espère une prochaine fois...).

Quel dommage !! sad.gifsad.gifsad.gif

Cb

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je ne sais pas si le ciel était dégagé à Sallanche quand tu y es descendu, mais il se peut que précédement (avant que tu y descendes), une couche de stratus se soit maintenue dans la partie de basse de la vallée, limitant encore la fonte de la neige à Sallanche, alors que Chamonix, au-dessus de cette couche stratus, connaissait un bon ensoleillement (ce qui favorise encore la fonte de la neige, en plus de la différence de T° sous abri).

A ce propos, il est à parier que même à Chamonix, de forte différence dans la vitesse de fonte soit observées (avec une fonte plus rapide dans les secteur Flégère et Brévent, bien exposés au soleil, que sur le versant du Mont Blanc, souvent à l'ombre en hiver).

Il y avait une épaisse couche de stratus entre Chamonix et Sallanches, en effet.

Et il faisait soleil à Chamonix.

Je me situais sur le versant Brévent/Flégère qui effectivement est exposé sud.

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