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cumulonimbus

Historique des relevés de température

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Bonjour à tous,

Tout d’abord, mes meilleurs vœux pour l’année 2008. Qu’elle vous apporte plein de joies, météorologiques et autres.

Pour bien commencer cette année, j’ai dressé un historique des relevés de températures en Belgique, et les différentes méthodes utilisées.

Les plus anciens témoignages de mesures faites en Belgique (autrichienne à l’époque) remontent à 1736. Elles auraient été effectuées à Liège par un certain M. Fallise. Hélas, il ne reste plus aucun document relatif à ces relevés.

Les premières mesures attestées sont bruxelloises et datent de 1763. L’abbé Chevalier a effectué des relevés pendant 11 années consécutives, de 1763 à 1773 inclus, puis encore en 1776, 1782 et 1783. Son lieu d’observation se situait à la place du Grand Sablon.

Le baron de Poederlé, quant à lui, a commencé ses observations en 1770. Nous disposons donc de certaines années où il existe des relevés en parallèle, ce qui a permis de les comparer. Il en ressort que les données de l’abbé Chevalier sont nettement plus sérieuses que celles du baron de Poederlé, surtout en ce qui concerne les maxima. Ainsi, le 26 juin 1772 par exemple, le thermomètre de l’abbé Chevalier indiquait 30,6°C tandis que celui du baron de Poederlé était monté jusqu’à 35,0°C. Ceci laisse supposer que ce dernier abritait mal ses instruments du soleil. En outre, le baron de Poederlé changeait souvent d’endroit pour effectuer ses mesures.

Durant les 14 années d’observation de l’abbé Chevalier, le maximum annuel tournait autour de 30°C (entre 26,1°C et 33,8°C), ce qui correspond assez bien à ce qui s’est observé plus tard à l’Observatoire de Bruxelles, puis à Uccle.

Les minima, quant à eux, se correspondent assez bien chez les deux observateurs et semblent donc assez fiables. Ainsi, la température la plus basse a été relevée le 28 janvier 1776 et a été de –20,6°C selon l’abbé Chevalier et de –21,1°C selon le baron de Poederlé.

L’intensité de la vague de froid de 1776 a été attestée dans d’autres pays, comme la France et les Pays-Bas. Aux Pays-Bas, où il existe des moyennes depuis 1706, janvier 1776 est en troisième position parmi les mois de janvier les plus froids (plus froid que 1940 et plus froid que 1963). Seuls janvier 1823 et janvier 1838 ont été encore plus froids.

À la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle (Belgique française), d’autres observateurs ont repris le flambeau, et il existe des données pour Liège, Mons et Bruxelles. À l’époque toutefois, on s’intéressait plus aux phénomènes extrêmes qu’aux moyennes, et les rares moyennes qui nous sont parvenues sont fantaisistes. Les extrêmes paraissent par contre souvent plausibles.

Parmi les faits intéressants, il faut noter les –24,4°C observés à Liège les 29 et 30 décembre 1783. Le 31 du même mois, on notait –16,3°C à Bruxelles. Il faut se souvenir que l’hiver 1783-84, de même que celui de 1784-85, a été particulièrement rude et fait suite à la gigantesque éruption du Laki, en Islande. L’été 1783, marqué par la luminosité jaunâtre, voire rougeoyante sur toute l’Europe en raison des poussières du Laki (cf. peintures de Turner), a par contre été particulièrement chaud et surtout très angoissant en raison de cette ambiance bizarre. Par moment, le voile de poussières était tellement épais que le soleil le perçait à peine. Dans ce contexte, on a relevé 33,8°C le 2 août 1783 à Bruxelles (abbé Chevalier). À Liège, le maximum a été de 37,0°C, mais les maxima de cette ville me paraissent tous un peu trop élevés, ce qui laisse également supposer un thermomètre mal abrité.

Pendant le mois de janvier extrême de 1823, le minimum à Bruxelles a été de –17,5°C (le 25). À Halfweg, aux Pays-Bas, les maxima n’ont guère dépassé les –16°C les 23 et 24, ce qui correspond aux maxima les plus bas jamais relevés aux Pays-Bas. Il n’est donc pas impossible qu’à Bruxelles, les maxima n’ait pas dépassé –13 ou –14°C, mais seul le minimum a été noté.

Nous n’avons hélas pas de données du terrible mois de décembre 1788, peut-être le plus froid de tous les temps. En raison de la révolution brabançonne en 1787, les observations ont été interrompues et ne reprendront qu’en 1800 à Mons. Dans la série montoise, ce sont surtout les 36,3°C du 15 juillet 1808 qui sortent du lot. Bien qu’ils ne soit plus possible de vérifier avec exactitude la validité de ce relevé, l’ensemble de la série paraît toutefois assez plausible.

En ce qui concerne « l’année sans été », en l’occurrence 1816, en raison de l’éruption du Tambora l’année précédente en Indonésie, nous n’avons que le maximum observé cette année-là à Mons, qui était de 25,6°C (le 13 juillet). C’est peu pour tout un été, mais cela n’indique rien sur les moyennes de cet été. Les relevés des Pays-Bas indiquent que c’était un été très froid, mais pas le plus froid. Ce sont plutôt les coups de froid qui ont été spectaculaires. Ainsi, à Bruxelles, il aurait neigé en début juin, en début juillet et à la fin du mois d’août.

De tout cela, on peut déduire, sans trop se tromper, que la température la plus basse sur 245 ans à Bruxelles a été d’environ –20,5°C (le 28 janvier 1776, mais aussi le 25 janvier 1881). Seul décembre 1788, dont nous ne disposons pas de données, aurait éventuellement pu présenter un minimum plus bas encore. Le maximum le plus élevé, de 37,4°C environ (38,8°C sous l’abri ouvert), s’est produit beaucoup plus tard, le 27 juin 1947 à Uccle.

En 1833, sous l’égide d’Adolphe Quételet, un réseau d’observations vraiment scientifiques a été érigé en Belgique, avec comme point principal l’Observatoire de Bruxelles, situé à l’emplacement actuel du Botanique. Sa méthode d’observation de la température a été la suivante : « l’instrument qui devait être employé était le thermomètre centigrade ou de Celsius, exposé librement à l’air, mais soigneusement soustrait à la radiation solaire et à la radiation nocturne, et autant que possible à toute espèce de réverbération ; il devait être de plus mis à l’abri de la pluie et de la neige. Pour obtenir ce résultat, l’instrument a été placé à l’extérieur d’une fenêtre au nord d’une chambre, où l’on ne fait jamais de feu. Il est à une hauteur de 3,3 mètres au-dessus du sol et fixé à 15 centimètres de la fenêtre. Un petit toit en verre le protège contre les pluies et les radiations, tout en permettant le libre accès de l’air et son renouvellement rapide. »

C’est la première fois que nous disposons d’un descriptif aussi précis de la méthode d’observation. Cela a énormément aidé pour une homogénéisation ultérieure de ces températures par rapport aux données actuelles.

La méthode de Quételet a été appliquée de 1833 à 1877, avant l’installation, en 1878, de l’abri ouvert. Une étude approfondie de ces données et des différents correctifs qui ont été successivement appliqués m’ont permis d’établir que l’écart de ces températures par rapport à celles de l’abri fermé actuel sont moindre que celles de l’abri ouvert. En effet, ce thermomètre était, envers et malgré tout, assez bien protégé sur son mur au nord, même en l’absence d’abri véritable. L’abri ouvert était quant à lui situé en plein soleil et, si ses parois protégeaient bien les thermomètres des rayons directs du soleil, son ouverture au nord, à 1,5 mètres du sol, les protégeaient mal du rayonnement indirect.

Une première évaluation m’indique que l’écart du thermomètre de Quételet par rapport à celui dans l’abri fermé actuel doit être à peu près nul en hiver, et se situer entre 0,5 et 1°C en été (l’abri ouvert, quant à lui, « exagère » de 1 à 2°C en été par temps ensoleillé). Pour les minima, il est plus difficile d’évaluer la différence par rapport aux relevés actuels, étant donné que les observations étaient faites à Bruxelles et non à Uccle, ce qui présente une légère différence surtout la nuit (liée également à l’urbanisation qui a évalué). Je dirai pourtant, a priori, que l’erreur ne doit pas être très grande.

Parmi les faits intéressants de cette période de 1833 à 1877 (en données brutes), je mettrais en exergue les –18,8°C du 16 janvier 1838, les –13,0°C du 14 mars 1845 et les –16,4°C du 8 décembre 1871. En matière de températures élevées, on a relevé 34,2°C le 31 juillet 1846, 34,6°C le 4 août 1857 et 34,7°C Le 15 juin 1858.

En 1890, alors qu’on mesurait déjà sous l’abri ouvert, le lieu d’observation s’est définitivement établi à Uccle. Entre 1885 et 1890, les relevés ont été faits en parallèle à Bruxelles et Uccle, ce qui a également permis d’homogénéiser les anciennes données en les ramenant à ce qu’elles auraient été à Uccle (avec quelques aléas, certes, mais les données sont certainement exploitables au niveau des moyennes).

À partir de 1968, l’abri fermé (conforme aux standards actuels) a été utilisé à Uccle. Une fois de plus, on a continué les observations en parallèle avec l’ancien abri, afin de déterminer des correctifs d’homogénéisation. J’ai consacré plusieurs articles à ce sujet et je n’y reviendrai pas ici. Je me contenterai de signaler que les standards actuels, qui nous paraissent tout à fait corrects, risquent de changer encore et qu’un jour, on appliquera peut-être à nouveau des correctifs à nos mesures actuelles. Aussi précises que peuvent être les sondes et autres capteurs utilisés de nos jours, la mesure de la température reste toujours soumise au difficile compromis entre la mise à l’abri des rayonnements et une aération suffisante. Un abri trop ouvert protège mal des radiations, et sur-estime les maxima, alors qu’un abri trop fermé risque de souffrir d’inertie thermique, et de sous-estimer les maxima (l’inverse étant vrai pour les minima). Des expériences ont montré que des instruments identiques, placés dans des abris identiques l’un à côté de l’autre, donnent parfois des résultats différents de quelques dixièmes de degré. La température de l’air, en effet, présente un côté aléatoire même à très courte distance, en raison de l’irrégularité du réchauffement de son substrat terrestre et de l’irrégularité des mouvements de l’air.

Cumulonimbus

Sources :

Livres d’A. Quételet

IRM

KNMI

Commentaires du climatologue A. Bodeux (dans les années 90)

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Merci pour cet article très interessant thumbsup.gif

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Étant Namurois... laugh.gif Je présente donc seulement mes voeux les meilleurs à Cumulonimbus, et surtout toutes mes félicitations pour l'historique des relevés des températures en Belgique. (Quel plaisir que d'apprendre même à plus de 50 ans.)

Félicitations Monsieur!!! thumbsup.gif et bien à vous, en attendant le plaisir de vous lire pour d'éventuels "autres articles" sur la météo.

"IVECO" (Jean-Claude).

Modifié par iveco

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Merci Monsieur Fallise et Monsieur Le Baron de Poederlé, gloire a l'Abbe Chevalier pour ces releves...et un Super Grand bravo a Robert pour nous les avoir presente thumbsup.gif

Vous vous rendez compte que cela aurait pu faire 272 ans de releve meteo si les donnees avaient ete conservees depuis l'an 1736 ! w00t.gif

Qu'en pensent nos climatologues ? Un petit pincement au coeur tout de meme ? rolleyes.gif

Je me demande bien ce qu'ils penseraient du temps d'aujourd'hui ces pionniers de la meteo ? unsure.gif

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Ben oui... D'autant plus que nous avons manqué l'année 1740, sans doute la plus froide dans son ensemble, avec un hiver particulièrement rude (presque le plus froid) et surtout un printemps et un automne qui ont dû battre tous les records.

Selon les relevés de Leiden aux Pays-Bas (3 observations par jour, mais pas encore de minima et de maxima), on trouve en janvier des températures de -18°C la nuit et de -12 à -13°C en journée (du 9 au 11). Le froid refait fort à la fin février, avec des températures de -10 à -11°C en journée les 24 et 25. Plus caractéristique encore, le mois de mai, où la température, le plus souvent, atteint péniblement les 10°C par un temps parfaitement pourri. Le 7, la température reste désespérément coincée à 3°C même en journée, sous un ciel couvert et de la pluie. Ailleurs dans les Pays-Bas, on signale même de la neige fondante.

Il n'est donc pas exclu que les hauteurs de Liège aient été blanches ce jour-là. Sans s'imaginer ce que cela aurait donné, s'il y avait déjà eu un observateur à Botrange.

En tout cas, merci pour tous vos compliments.

Cumulonimbus

Source : KNMI

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Le Luxembourg n'etant pas si loin de la Belgique, voici de la lecture whistling.gif

"Contribution à la climatologie du Luxembourg : Analyses historiques, scénarios futurs"

Les themes :

  • Aspects de l’histoire de la météorologie au Luxembourg
  • Les archives climatiques quantitativesde Luxembourg-ville: analyse primaire des longues séries chronologiques (1838-2003)
  • Evolution du climat et répercussions sur le fonctionnement des hydrosystèmes au Grand-Duché de Luxembourg au cours des 150 dernières années
  • Trajectoire climatique et réponse hydrologique à l’horizon 2050: l’exemple de deux cours d’eau luxembourgeois

http://www.mnhn.lu/recherche/ferrantia/pub...Ferrantia43.pdf

Robert, voila de quoi nous assurer encore de beaux articles wink.gif

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Oui, cette année 1740 fut terrible en terme de froidure. Il semble même que l'expression " s'en foutre comme de l'an 40" viendrait de là. whistling.gif

D'après l'Hadley Center, la série Central England Temperature indique que l'hiver est le deuxième plus froid avec -0,40° de moyenne, devant 1684 ( -1,17° ) et l'automne le deuxième plus froid avec 7,53° de moyenne, devant 1676 et 1786 ( 7,50° ). Octobre présente un record mensuel avec 5,3°, à peine mieux qu'un mois de décembre normal. Mai est en deuxième position avec 8,6°, devant 1698 ( 8,5° )

Et l'année explose le précédent record de 1695 ( 7,25° ) avec 6,84° de température moyenne.

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Le Luxembourg n'etant pas si loin de la Belgique, voici de la lecture 

"Contribution à la climatologie du Luxembourg : Analyses historiques, scénarios futurs"

Merci beaucoup pour ce lien. Je vais étudier cela à mon aise et voir quelles conclusions (comparatives) on peut en tirer.

Robert.

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Et l'année explose le précédent record de 1695 ( 7,25° ) avec 6,84° de température moyenne.

Aux Pays-Bas, l'année 1740 a été la plus froide aussi. Dans les moyennes homogénéisées et ramenées à la station de De Bilt (1706-2007), l'année 1740 présente une moyenne de 6,5°C, devant 1805 qui présentait une moyenne de 7,0°C. La dernière année froide, en l'occurrence 1963, arrive loin derrière avec 7,8°C. La moyenne 1971-2000 de De Bilt est de 9,8°C tandis que 2007 termine comme année la plus chaude (ex aequo avec 2006) avec 11,2°C.

En d'autre terme, l'année 1740 a été en moyenne 4,7°C plus froide que l'année passée !!

Source : KNMI

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